Le Professeur de violon fait partie de ces films qui tentent vainement de nous faire croire qu'ils vont s'écarter de leurs schémas prédéfinis. Les ficelles qu'il tente de déployer pour forger cette illusion sont aussi grossières que contre-productives. À force de tourner autour du pot pour finalement tomber dans un traitement aussi scolaire, la frustration et l'agacement sont rapidement de mise.


Le principal échec réside dans le personnage de Laerte qui brille par son immobilisme. Tantôt "strict", tantôt dépassé, tantôt égoïste, mais jamais réellement connecté à ses élèves. Les intentions de nuancer sa personnalité, de souligner son impuissance face au système qui le dépasse et de marquer le fossé qui sépare son monde de celui des favelas sont louables, mais le revers de la médaille, son isolement des situations, rend le personnage totalement fade et transparent. Tout son parcours, pavé d'incessantes hésitations, est ainsi plutôt pénible à suivre.


Le film ne décolle que lorsqu'il quitte réellement son statut de sous-Will Hunting pour enfin rentrer enfin collision avec la culture locale. Du petit jam violon/ukulele sur le toit des favelas aux cris du coeur des élèves qui érigent la musique comme la seule échappatoire de leur quotidien en passant par l'emprise menaçante de la mafia. En plus d'être plus captivante, ce "film dans le film" est également une réussite formelle. Sérgio Machado capte beaucoup mieux les quartiers pauvres d'Héliopolis que le reste de la ville, le conservatoire symphonique de Sao Poaulo inclût. C'est dans ces passages, bien trop fugaces, que la photographie arbore toute sa splendeur. Son petit grain, ses cadres précis qui captent naturellement la beauté de l'environnement tout en soulignant bien l'isolement des Hommes dans cet espace pourtant surpeuplé.


L'avant-dernier acte, l'apothéose du film, est d'ailleurs la parfaite démonstration que Machado en gardait beaucoup trop sous la pédale, piégé par son étau narratif qui ne lui laissait que trop peu de liberté d'action. La rupture de ton fonctionne et le sursaut d'action et de drame nous livre une magnifique fresque de guérilla urbaine. On se dit que dans un autre contexte, le réalisateur aurait pu mieux embrasser les thématiques profondes du film et du fait divers auquel il est rattaché, et ceci en faisant pas mal d'étincelles. Dommage qu'il soit entaché par un double final tire-larme dont les prémisses tirent encore une fois sur la corde de la fausse incertitude. La fois de trop ?


Le professeur de violon m'apparait donc comme un film assez bancal, ne parvenant jamais à jouer pleinement sur les deux tableaux; des idées intéressantes se retrouvant noyées dans la glaise de la prévisibilité. Je n'en attendais pas grand-chose, tout au plus une évasion estivale, j'ai malgré tout été plutôt déçu par cette proposition.

GigaHeartz
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le 25 août 2016

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