« Quand je pense à la mort je ne dors pas, et quand je ne dors pas je pense à la mort »

Dès le générique d’ouverture, on comprend qu’on ne va pas baigner dans la sérénité : une mouche prise dans une toile ; un araignée, qui s’avance lentement et en fait son déjeuner tout en tissant sa toile autour d’un crucifix. Un peu plus tard, on comprend que l’araignée en question est une « veuve noire », sa présence plane sur le film jusqu’au générique final où on retrouve la même image, ou presque… De mouche, il n’y en a plus… Elle a été avalée…


Après cette ouverture zen, on fait connaissance avec le personnage principal : un homme visiblement tourmenté, on le découvre écrivain et célèbre, il s’agit de Gerard Reve, une personne réelle dont le livre inspiré de sa vie est à la base de De Vierde Man.


Lors d’une conférence à Flushing, Gérard rencontre une femme, Christine, qui lui propose de loger chez lui. Elle tient un centre de beauté appelé « l’araignée ». Il découvre peu à peu que cette femme, avec qui il couche dès le premier soir, a eu trois maris et qu’ils sont tous morts mystérieusement. Il se persuade alors que Christine est une « veuve noire » et qu’il sera le quatrième homme à mourir. Il est convaincu qu'elle est une sorcière, d’ailleurs elle a un point insensible dans le dos. C’est à ce signe, entre autres, qu’on détectait les sorcières au Moyen Age.


Gérard fait également la connaissance d’Herman, l’amant de Christine, un bel homme au corps musclé qui l’attire irrésistiblement. Il le séduit et cherche à le convaincre qu’ils sont en danger en restant auprès de Christine.


Verhoeven signe ici un thriller onirique, symbolique, surréaliste : La mort y est omniprésente : d’abord dans l’esprit de Gérard : « Quand je pense à la mort je ne dors pas, et quand je ne dors pas je pense à la mort ». Puis à travers les événements : le cercueil dans la gare sur lequel il croit lire son nom ; la découverte fortuite que les maris de Christine sont tous morts dans un accident ; leurs chemises que Christine lui fait porter,
Les images anxiogènes se bousculent : visions avec du sang qui apparaissent dans l’esprit de Gérard, la mouette morte qui s’abat sur lui, le noyé retiré de l’eau ; la photo d’un hôtel qui se transforme en image mortifère dans l’imaginaire de l’écrivain, une corde ressemblant à celle d’un pendu, le sourire « arachnesque » de Christine, les cauchemars de Gérard, son apparente disparition dans la mer, le homard sur la table, des yeux sortant de leur orbite.
Les objets participent à cette ambiance : la clé qui prend la forme d’un revolver et surtout la paire de ciseaux vue en rêve qui le castre puis ceux que Christine utilise pour lui couper ses cheveux, paire de ciseaux qui réapparaît brandie, dans le film projeté dans lequel on voit Christine et l’un de ses maris décédé depuis. Les ciseaux et la coupe des cheveux renvoient à l’épisode biblique dans lequel Dalila coupe les cheveux de Samson dans son sommeil, le privant ainsi de sa force qui résidait dans sa chevelure. L’histoire apparaît explicitement à travers une image que Gérard regarde à un moment du film.


De vierde man est une œuvre non rationnelle, qui nous fait participer aux hallucinations de Gérard, qui nous fait ressentir le danger avec lui, nous le fait voir à travers ses yeux. Ce film se situe à la frontière du réel et de la projection mentale, brouillant les deux mondes. Verhoeven signe là encore une très belle œuvre, son dernier film néerlandais, un thriller efficace.

abscondita
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le 16 mars 2022

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abscondita

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