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Thomas Cailley lorgnait déjà très habilement vers un fantastique insidieux avec Les Combattants, son premier et remarquable long métrage, teintant son échappée sauvage d'un survivalisme parfois menaçant. 9 ans plus tard le voici, plus sûr lui, franchir nettement la barrière et ramener à lui les codes de ce genre. Mais bien loin de s'en satisfaire, le réalisateur boucle son trajet en revenant à son origine.

Derrière ses allures horrifiques, Le Règne animal parvient, avec l'amplitude de l'expérience acquise par son réalisateur en une décennie (et donc peut-être un peu moins de charme ingénu), à traiter une richesse de sujets surprenante. Les effets spéciaux (admirables et pour la majorité artisanaux) cachent sous leur spectaculaire une analyse touchante de la société et, bien évidemment, une fable d'initiation.

Outre le message politique et écologique du film, peut-être son visage le plus simple (le nécessaire retour des humains au contact de la nature, une certaine vision de la décroissance et de la désobéissance civile et une lutte nécessaire contre le refus de l'acceptation de la différence et le recours "bestial" à la haine), c'est bien la quête d'identité (sous tous ses aspects) d'un adolescent qui émeut, nous forçant à desserrer les liens qu'on aurait pu vite nouer avec d'autres œuvres de mutations humaines comme Lamb, Annhiliation ou Borders, tous trois moins lumineux et plus pessimistes.

L'œil humide de fierté et de complicité de Romain Duris en père pétri de contradictions et d'amour est déchirante de vérité, tandis que Cailley donne enfin à Paul Kircher un rôle qui dépasse son air frêle et son ton (faussement) benêt pour exploiter pleinement son potentiel physique. Le bestiaire que dessine Thomas Cailley lui permet de produire un film perclus de puissantes images de cinéma, allant d'échassiers traversant un champ de maïs lors d'une fascinante chasse à l'homme à d'oniriques et nombreuses séquences nocturnes.

Le Règne animal, dont le titre est en soi un programme, est pour Cailley l'occasion de prendre racine, de retracer une Histoire express de l'humanité comme de toucher au cœur tellurique d'une actualité bruyante, et d'atterrir, avec poids.

Grouillant, charnel, violent, le film s'éloigne (peut-être un peu trop) de la poésie suspendue et naïve des Combattants pour penser une humanité crasse et... bestiale mais jamais dénuée d'espoir.

La boucle est donc bien bouclée.

Créée

le 29 sept. 2023

Critique lue 122 fois

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Charles Dubois

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