Réussir à réaliser une créature hybride mi-film fantastique de type hollywoodien, mi-film français, relève de la fantaisie créatrice d'un savant fou. Or Thomas Cailley, avec la collaboration de Pauline Munier, scénariste et ancienne étudiante à la Femis, l’a osé et réalisé. Le résultat, discutable, penche plutôt du côté du film fantastique que du film français : plus bête qu’humain.
Il faut d'abord reconnaître, après une naturelle répulsion, l’étonnement et l’effroi admirable créés par tous ces artifices auxquels le spectateur français qui fréquente les salles d'arts et d'essais n'est pas habitué. En effet, les effets spéciaux, remarquables, fruits d’un travail considérable, ne manquent pas d'enthousiasmer et de troubler le spectateur. Cependant, que desservent-ils, si ce n’est l’illusion fantastique ? L’absence de sens frappe, ou plutôt l’éclatement des lectures à donner, le manque de cohérence et de clarté, l’indécision dans le discours. Dans ce film plutôt pour ados, assez simplet et caricatural parfois, reconnaissons en effet que de nombreuses pistes sont ouvertes pour saisir la portée allégorique du phénomène narrée, mais qu’aucune n’est vraiment explorée – au contraire, elles sont évoquées puis disparaissent aussitôt, sans avoir eu le temps de mûrir. La seule « morale » durable de la fable (contredite toutefois au sein du même film) serait : accepter la part infrangible de naturel chez l’autre, ce qui renvoie à une réflexion de G. Bataille : « l'homme est l'animal qui n'accepte pas simplement le donné naturel, qui le nie. »
Outre cette difficulté à signifier, signalons que Le règne animal souffre de longueurs peu justifiables, que le scénario s’égare car privé de direction, que ses acteurs sont plutôt mal dirigés et qu’au fond le tout est assez naïf.