Golden Swallow est un film important non seulement dans la filmographie de l'ogre de la Shaw Brothers, mais aussi dans l'histoire du wu xia pian. Il est le film-phare par excellence, le maitre-étalon d'une nouvelle génération d’œuvres dans lesquelles la figure chevaleresque féministe jusqu'alors imposée par des auteurs comme Wong Fung ou King Hu change de visage et s'endurcit au profit de guerrier taciturne et brut de peau.
L'héroïne, Golden Swallow est chez Chang Cheh reléguée au rang d'icône du passé. Le véritable héros du film est le ténébreux Jimmy Wang Yu, interprétant le rôle de Little Roc, tueur au sang froid et au faciès mono-expressif qui use de l'épée avec une sorte d'excitation quasi sexuelle. Il met à mal ses adversaires et prend un certain plaisir à les exécuter comme si sa jouissance, son jusqu’au boutisme orgasmique en dépendait. Finie la figure féminine teintée de saphisme, l'ogre détruit les codes du genre avec fracas, imposant son style dans un grand déchaînement d'une violence graphique hallucinante.


Nous sommes en 1968 et en Occident des cinéastes comme Sam Peckinpah et Sergio Leone ont anéantis les codes du classicisme américain dans l'autre genre phare du cinéma dit d'exploitation le western.


En fin lettré, Chang Cheh exploite un scénario assez basique, basé sur la vengeance et l'obsession de ses personnages pour arriver à leur fin, avec un grand pointillisme que sa mise en scène sans concessions cache parfois. Il appuie sur son côté misogyne lors des scènes de dialogue à trois entre Wang Yu, Lo Lieh et Cheng Pei Pei, cette dernière est souvent filmée de dos ou en contre-champ comme pour mieux en faire un objet au service du vrai épéiste, en l’occurrence le guerrier mâle.


Sa mise en scène découle des attributs du wu xia pian dit "classique", en fait le film de sabre cantonais de par une grande théâtralité. Cependant Chang Cheh sort des contraintes scéniques en utilisant une géométrie variable des espaces. Tantôt réduit au simple champ de la scène lors des dialogues et des combats particulièrement violents, tantôt élargi à de grandes envolée dans des espaces quasi-Fordien.
La scène explose comme par envie de se libérer des contraintes imposées par ses aînés. Le Cheh impose définitivement sa vision du film de chevalerie. Elle sera masculine, ses passions pour les beaux guerriers drapés de linge blanc, symbole de pureté (de virginité), est ici plus qu'apparente, imposant même un contraste en forme de préambule dévastateur, le principal opposant de Little Roc étant finalement le compagnon de L'hirondelle d'or interprété par un Lo Lieh en guerrier paisible et vieillissant, celui-ci étant vêtu de noir.


Le contraste est flagrant est ne pourra se solder que par un duel, avec pour but non seulement la suprématie, mais également la possession féminine. La célèbre guerrière est reléguée au rang d'objet de désir et de trophée. Le cinéma de Chang Cheh s'impose définitivement avec ce très grand film qui non seulement se pose comme oeuvre jalon pour un avenir radieux où les beaux guerriers s'imposeront définitivement, mais ouvre un nouveau champ d'expérimentation pour les futures oeuvres dédiées à l'épée.
Une violence ahurissante, les litres de sang déversé ne se comptent plus, une violence sèche et sans concessions, une violence orgasmique tant le vainqueur prend de plaisir à donner le coup fatal. Pour toutes ses thématiques développées, et pour une grande maîtrise de sa mise en scène, ce Golden Swallow est l'une des plus grandes oeuvres de Chang Cheh. Il s'impose définitivement en maître de la Shaw Brothers.

philippequevillart
8

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 1968

Créée

le 22 août 2017

Critique lue 418 fois

4 j'aime

Critique lue 418 fois

4

D'autres avis sur Le Retour de l'Hirondelle d'or

Le Retour de l'Hirondelle d'or
remo007
7

Critique de Le Retour de l'Hirondelle d'or par remo007

Après un premier épisode lent et mou de King Hu, Chang Cheh dynamite l’hirondelle d’or pour livrer un film nettement plus intéressant, pêchue et enthousiasmant. Un vrai film HK qui livre la...

le 6 mai 2015

1 j'aime

Le Retour de l'Hirondelle d'or
BaNDiNi
9

Critique de Le Retour de l'Hirondelle d'or par BaNDiNi

Chef d'oeuvre parmi les chef-d'oeuvres. Le meilleur Chang Cheh que j'ai vu avec cette brute épaisse de Jimmy Wang Yu, brutal et méchant comme à son habitude et Chang Pei Pei alors âgée d'une 20ene...

le 6 avr. 2011

1 j'aime

3

Du même critique

L'assassin habite au 21
philippequevillart
8

Meurtre oblige

Première incursion de Clouzot dans un genre auquel il donna ses plus belles lettres de noblesse, en l’occurrence le thriller à la Hitchcock. Pour se faire il adopte un style emprunt à la Screwball...

le 21 avr. 2020

18 j'aime

8

Joker
philippequevillart
6

Autant de clown clinquant

C’est auréolé d’une récompense à la Mostra de Venise et d’une pluie de critiques dithyrambiques annonçant un classique instantané et une performance d’acteur de la part de Joaquin Phoenix emprunte...

le 9 oct. 2019

18 j'aime

5

La Chienne
philippequevillart
8

L'ange et la mort

Dans La Chienne, second film parlant de Jean Renoir, c’est surtout quand les voix se taisent et que l’image reprend naturellement ses droits que le lyrisme dramatique s’impose pour offrir de grands...

le 31 janv. 2023

18 j'aime

2