Star Wars est un opéra sidéral, politique et bio-mécanique. L’intrigue politique est finement tressée, quelques personnages ont du mystère et de l’ampleur (Ana-Kin/Darth Vador, Maitre Yoda, Obi-Wan Kenobi), la mise en scène est souvent brillamment orchestrée, surtout dans la trilogie du début des années 2000 qui constitue le début narratif de la saga, mais aussi, par exemple, au moment final de


la destruction de l’Étoile de la Mort par Luke Skywalker


dans le premier opus produit. J’ai plus de doutes quant à la scénographie des opus 5 et 6 que je n’ai pas encore revus. Malgré toutes ces qualités, l’exploration de l’univers de Star Wars et de sa poésie stellaire est exclusivement superficielle. Comme le tracé au néon d’un sabre laser, l’expérience visuelle ne fait que glisser sur les images blinquantes, qu’elle ne peut pour sa part trancher, la chorégraphie vidéographique étant toujours en amont d’elle. Mais la frustration la plus grande dans l’univers de Star Wars est l’absence systématique d’une narration un tant soit peu consistante ou puissante, qu’incarneraient les affects exprimés dans le corps des acteurs.


La mort de Padmé (SW 3), la destruction d’Aldeeran (SW 4), la fin de Darth Vador et de Darth Sidious (SW 6)


, rien ne semble réellement compter dans la façon dont ces évènements sont contés. Les personnages, le narrateur, le spectateur sont si peu pris en compte qu’on jurerait un spectacle écrit par et pour les droïdes ou les clones à la croissance accélérée et au caractère bridé. Le septième opus qui sort à présent, dans cette ère médiévale du divertissement en boucles successives et en reprises multiples sur des décennies, via le passage d’auteurs à continuateurs, a toutes les chances d’être mieux narré. Mais aura-t-il encore un scénario aussi essentiel que le basculement et le rééquilibrage de la force dans le drame cosmique de la famille Skywalker ?


Cependant, Star Wars offre une matrice fictionnelle vaste et complexe. Quelques axes simples produisent un treillis de relations subtiles et inépuisables entre l’énergie indéterminée et illimitée qu’est la Force ; l’inventivité permanente, productive autant que menaçante, des artéfacts technologiques de toutes sortes, vaisseaux, droïdes, armes, dispositifs thérapeutiques ; les formes de vie les plus fantasques comme les plus fonctionnelles ; les organisations primitives ou traditionnelles confrontées à la bureaucratie technique de la République puis de l’Empire. L’esprit contre la matière dans la plus pure tradition bouddhique ; le mode démocratique mais sclérosé du Sénat contre l’efficacité arbitraire et absolutiste de l’Empire ; la lutte éternelle entre un pouvoir militarisé, des réseaux de contrebande, des peuplades farouches et des monarchies séculaires. Les grandes forces civilisationnelles de l’humanité s’offrent sous de multiples chorégraphies infiniment variables dans cet opéra spatial qui mélange tous les peuples, tous les âges et toutes les fantaisies. Le délire puissant qui alimente cet univers d’affabulation le sauve du même coup de la narration médiocre déroulée au fil des six longs métrages qui l’incarnent depuis une trentaine d’années, à côté d’une production périphérique pléthorique d’animés, de jeux vidéos, de bandes dessinées et de livres. Le septième opus, de la troisième trilogie en cours, a des chances d’offrir une narration plus différenciée et plus lyrique bien qu’il risque aussi, selon la fatalité propre à toutes les séries, de diluer l’enjeu scénaristique qui a tenu ensemble les différentes œuvres jusqu’ici, exactement à la manière des jeux immersifs où l’exploration de l’univers fictionnel dispute la première place à l’intrigue qui l’alimente produisant un jeu d’équilibre ou de déséquilibre qui détermine le degré de jouabilité de l’ensemble.

alaindupneu
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le 3 janv. 2017

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