Il y a de cela longtemps, je devais avoir 6 ans, nous étions invités mes parents, ma sœur et moi même à un grand rassemblement familial. Ce genre d’événement arrange bien les parents, très heureux de relâcher leur surveillance afin de boire quelques verres de trop et ravit les enfants qui voient là une belle occasion d’échapper aux regards adultes.
J’ai alors pu discrètement rentrer dans la chambre " sacrée et inaccessible " de mes grands cousins, trop captivés par le film diffusé pour penser à chasser un petit microbe traumatisable et source d’ennuis. Ce fut pour moi l’occasion de voir Le boxeur manchot, un film qui imprima à jamais ma mémoire.


6 ans est un âge où tout est possible, où fiction et réalité ne possède pas de frontière distincte. Alors voir un homme trancher (oui ! trancher !) un bras avec la paume de sa main ça vous forge un gamin. Ca m’a horrifié et fasciné en même temps. J’étais littéralement hypnotisé par ce film, complètement dépaysé de l’habituelle planète "cartoon-mignon".
Side-kick cinématographique dans ma face !


C’est un film produit par Raymond Chow Man-Wai qui popularisa le cinéma d’art martiaux à l’échelon international avec sa société Golden Harvest et révéla Bruce Lee, Jackie Chan et bien d’autres acteurs.
Il fut réalisé par Jimmy Wang Yu qui avait été acteur et réalisateur pour les studios Shaw brothers. Souhaitant disposer d’une plus grande liberté créatrice, il rompit son contrat pour rejoindre Chow Man-Wai .
En quittant les frères Shaw, Wang Yu était La Star incontestée du film d’arts martiaux, il fut révélé en tant qu’acteur par le film Un bras les tua, une honorable production qui fut une vraie réussite commerciale.
Fort de cette expérience, il écrit le script et réalisa Le boxeur manchot pensant rééditer le succès de l’œuvre qui le propulsa.


C’est une histoire de rivalité entre 2 écoles d’arts martiaux. Lors d’un combat, Tien Lung, le meilleur élève de l’école Ching Tee perd un bras. Guéri et rompu à l’ancestrale technique de la " Main de fer ", il revient pour se venger.


Ce film avait des éléments pour réussir : un réalisateur, certes peu expérimenté mais avec un nom très populaire et riche d’une expérience de création d’un film à succès ; un producteur ambitieux, offrant de l’indépendance et des moyens financiers pour la réalisation. Mais, au final le résultat fut mitigé.
Il faut dire que ce film a eu affaire à une vive concurrence : il sortit en 1971, la même année que Big Boss du réalisateur Lo Wei, immense succès qui propulsa Bruce Lee à un niveau stratosphérique de célébrité.
De toute façon, un boxeur manchot ne pouvait pas tenir la comparaison avec le Boss du Kung Fu.


En gros, on a un scénario très maigre, des bruitages à la pelle, de grossiers effets spéciaux, de bons faux raccords, des supers pouvoirs grotesques, un jeu d’acteur à désirer, le bras manquant de Tien Lung piteusement caché, la soul d’Isaac Hayes très anachronique dans le contexte de l’histoire. Bref, c’est pas un bijou de réalisation.
Dans les bons côtés, on a quand même une histoire cohérente, des chorégraphies de combats correctes et un rythme d’action assez soutenu. Il faut aussi souligner le doublage qui donne un vrai charme série B avec la participation d’Henry Djanik, voix française d’Anthony Quinn, de l’inspecteur Kojak, de Phénix des chevaliers du zodiaque ou encore de Barracuda dans l’Agence tout risque (Voix Djanik - Barracuda)


C’est l’appel à une bande de méchants mercenaires étrangers qui faisait l’originalité du film en sortant du schéma classique de l’affrontement entre écoles de combat. Nous avons là une sacrée galerie de personnages :


2 élèves japonais accompagnant leur maître Karatéka à canines de vampire (Photo maître Chao) avec une repartie à faire trembler Chuck Norris :



La seule façon de me détendre, c’est de me battre et de tuer quelqu’un !



On trouve également : un judoka lui aussi japonais, un expert coréen en Taekwondo porté sur l’alcool et qui brise les culots de bouteilles avec les dents, 2 experts thaïlandais de boxe Muy thaï qui avant chaque combat pratiquent une parodie de danse Ram Muay , un professeur de Yoga indien au visage vert sombre (Photo professeur Mura Singh), insensible aux lames et possédant un pouvoir hypnotisant. Enfin, pour finir 2 lamas tibétains dont l’un à la capacité de faire gonfler son corps pour être insensible aux coups.


On est là dans la caricature la plus totale : les cruels japonais, les ivrognes coréens, les superstitieux thaïlandais, les mystiques indiens… Ces personnages sont tellement absurdes qu’ils n’inspirent aucune crainte et deviennent franchement comiques.
Ce film est une tentative d’opération de propagande de la supériorité de la culture chinoise sur ses pays voisins. En réalité le procédé n’est pas nouveau, les américains, éternels sauveurs du monde, ont eux aussi ce complexe de supériorité.


Wang Yu n’est pas un grand réalisateur, il a plein de bonnes intentions mais la plupart tombent à l’eau. Ainsi le ridicule de personnages, des combats ou de la réalisation ne sont pas des effets recherchés. C’est cette naïveté qui fait de ce film un excellent nanar, à la volonté sincère mais tellement médiocre qu’il en devient génial.


Je ne l’avais vu qu’une seule fois. Par la magie d’internet, j’ai pu retrouver sa trace et le second visionnage m’a énormément distrait tout en me laissant un petit goût amer. C’est un peu triste de constater que ce film a perdu toute la crédibilité que je lui avais attribué à l’âge de 6 ans : ce qui m’avait autrefois captivé me fait aujourd’hui mourir de rire. Une preuve supplémentaire de la perte de mon regard d’enfant …


C’est un film très divertissant et je compte bien le ressortir lors de soirées embrumées entre amis. Si comme moi la combinaison des mots nanar et kung fu est magique, n’hésitez pas !
Je vous recommande chaudement le boxeur manchot qui si vous êtes adeptes du second degré, ne manquera pas de vous asséner un direct de rire à l’estomac.


Le trailer du film, un gros spoiler : https://www.youtube.com/watch?v=UdQs_gfadWc

Rick_Hunter
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le 20 mai 2015

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Rick_Hunter

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