Le Roi Lion
7.8
Le Roi Lion

Long-métrage d'animation de Roger Allers et Rob Minkoff (1994)

Alors, cette critique vient en réponse aux détracteurs du film qui arguent qu'il ne s'agit là que d'une histoire pour gamins sans profondeur où les évènements répondent à une logique inepte.


La première chose à comprendre si l'on veut apprécier à sa juste valeur un Disney de qualité c'est qu'il contient nécessairement plusieurs niveaux de lecture, plusieurs strates de compréhension si on veut. Et j'insiste sur le 'nécessairement' parce qu'il va de soi que l'enfant de 6 à 12 ans auquel est destiné le film en premier lieu ne peut pas interpréter les choses de la meme manière que son parent qui l'accompagne, ou encore que son grand frère criblé d'acné qui a été trainé là de gré ou de force.
C'est pourquoi le film répond aux premiers abords à une symbolique 'facile' : le méchant est balafré et plus sombre, son air est plus menaçant etc..
Ce système n'est pas exclusif aux dessins animés et se retrouve dans toute bonne oeuvre d'art dont l'artiste a compris que l'essentiel en premier lieu est que chacun, qu'importe son niveau d'éducation, puisse trouver une porte d'entrée dans l'oeuvre.


Maintenant, pour ce qui est de la profondeur, le film est ni plus ni moins que l'adaptation d'une des oeuvres qui font jallons dans l'Histoire de la littérature : Hamlet.
Je fais un rapide recensement des analogies pour les quelques sceptiques ?
L'oncle qui assassine secrètement le Roi et prend sa place, l'esprit du père qui hante le Prince, le Prince exilé qui reviendra pour mettre un terme à son règne, le Royaume qui dépérit sous le règne de l'usurpateur...


Dans cette optique les passages-clés prennent une autre épaisseur : Par exemple, le moment où Simba hésite à revenir sur la Terre des Lions pour reprendre son trone correspond évidemment au célébrissime questionnement du Prince du Danemark ("Etre ou ne pas etre...") et contient les memes tenants et aboutissants philosophiques : Vaut-il mieux éviter les responsabilités sociales en fuyant tout forme d'implication politique, émotionnelle, amoureuse ou intellectuelle dans l'insouciance de l'ascétisme ou d'une autre forme de marginalisation ou vaut-il mieux faire face à l'adversité, aux risques, aux déceptions et aux immanquables douleurs qu'entraine le fait de défendre une conviction ou de mener une entreprise quelqu'elle soit au coeur meme d'une société qui peut à tout moment nous broyer ?


De la meme manière la symbolique du dépérissement du Royaume sous le règne de Scar rejoint le fameux "Il y a quelque chose de pourri au Royaume du Danemark" et reprend la symbolique shakepearienne (constante dans son oeuvre) de l'intéraction entre la nature et le destin de ses personnages (cf. Le Roi Lear, Macbeth, Jules César...). Cette thématique surnaturelle fait partie du génie de l'oeuvre du dramaturge anglais. Elle contribue à ce que cette dernière constitue un pont entre la littérature médiévale (où l'Ancienne Religion est omniprésente) et les idées centrales de la Renaissance (Humanisme, résurgence de la culture antique...).


Le film rejoint aussi la pensée shakespearienne quant au rôle du Roi. En effet, la figure royale pour William Shakespeare va bien au-delà des fonctions de gouvernance et contribue réellement à l'équilibre du monde du fait de sa nature divine. Sa clémence, sa justice et sa sagesse sont autant d'attributs issus de cette nature divine, et Mufasa est, en ce sens, l'exemple-type du monarque légitime. (D'ailleurs sa nature divine est on ne peut plus explicite après sa mort.) Sa présence assure la paix et la prospérité du Royaume, jusqu'à sa qualité nourricière en fait. Pour toutes ces raisons son autorité n'est contestée par aucun de ses sujets, ils le tiennent pour garant de leur bien-être présent.


La scène d'ouverture du film, une merveille de cinéma dans sa conception, est sans doute aussi la plus représentative de cette idéal du Roi Divin. En effet, tous les animaux affluant vers le Trône (Le Rocher) et les sacrements portés par le chaman rendent inévitable la mise en relation avec la Nativité. On est tout de suite projetés dans une représentation du monde où le Lion est garant du cycle de la Vie tout en y étant lui-même soumis, dans un premier temps, de par son corps (ça vous rappelle rien ?).


Il y aurait encore beaucoup à dire sur la profondeur évidente de ce chef d'oeuvre de Disney mais je pense que j'ai déjà perdu du monde. Qui plus est je ne prétends pas détenir toutes les clés de lecture de l'oeuvre.
Je ne m'attarde pas non plus sur les aspects techniques, d'autant que je ne suis pas un spécialiste mais au-delà de cette profondeur le film est à créditer d'une animation irréprochable pour l'époque et d'une mise en scène rarement égalée par le studio aux grandes oreilles.


Enfin il faut accorder à ses détracteurs que le film n'est pas exempt de défauts : En plus de quelques passages mal rythmés, il a le tort de répondre aux exigences habituelles des studios, notamment dans la manière dont il s'achève et il aurait sans doute gagné à suivre la trame shakespearienne jusqu'au bout. L'avènement d'une nouvelle ère de prospérité scellé sur les dépouilles sacrifiées de Simba et de Scar, voilà qui aurait définitivement inscrit 'Le Roi Lion' au Panthéon des miracles du grand écran..

Aphasic
8
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le 12 oct. 2015

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Aphasic

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