La fin d'un paradigme artistique
Les studios Walt Disney font rêver petits et grands depuis maintenant plus de 75 ans. Si la firme aux grandes oreilles a connu plusieurs âges d’or, « Le Roi Lion » en 1994 semble avoir mis fin au dernier. Le prochain tarde à venir et c’est plutôt Pixar qui offre aujourd’hui les plus beaux et profonds dessins-animés. Il faut ajouter à cela que « Le Roi Lion » est aussi sans doute le dernier long-métrage d’animation à l’ancienne. Après ce film, les artistes des studios Disney n’ont eu de cesse de travailler avec des règles et des équerres, et aujourd’hui avec des ordinateurs, pour dessiner toujours plus « carré », toujours plus simple. La beauté des décors, la précision des mouvements, le charme de l’animation furent alors oubliés. Seul Ghibli semble aujourd’hui conserver le secret des anciens, délaissé au profit de la technologie numérique.
« Le Roi Lion » n’est pas seulement un film visuellement splendide à l’animation parfaite. C’est aussi une formidable histoire, une leçon de vie qui m’a captivé, me captive et me captivera toujours. Né de la génération qui a découvert ce film en étant enfant, je ne peux certes nier le rapport personnel qui me lie au film. Cependant, il ne faudrait pas réduire ce film à ce simple attachement qui serait le mien. Si l’on peut affirmer que Tchaïkovski fut un des virtuoses de la musique, Tolkien un des maîtres de la littérature, Raphaël un des seigneurs de la peinture, « Le Roi Lion » occupe une place toute privilégiée parmi les films qui ont participé à la construction de l’histoire du cinéma.
Rempli d’amitié et d’amour, sans qu’il y ait une once de naïveté maladroite, le film suit le destin du jeune Simba, appelé à devenir roi après la mort de son père. Culpabilisé par son oncle Scar, le lionceau prend la fuite et trouve refuge dans le désert où il est secouru par Timon et Pumbaa, un suricate et un phacochère, devenus un duo légendaire pour des millions d’enfants. Tour-à-tour sombre, émouvant, joyeux, humoristique, « Le Roi Lion » balaye en moins de 90 minutes une palette d’émotions gigantesque, sublimée par la composition magistrale et conjointe d’Hans Zimmer et d’Elton John, l’un des plus grands mélodistes de son temps.
Film d’initiation, Simba doit à la fois affronter la peur, la mort, l’abandon mais aussi faire preuve de bravoure et de courage. Bien qu’il soit une leçon de vie, le film ne prend jamais l’allure d’une morale qu’on ferait avaler à un enfant pour qu’il reste sur le droit chemin. Pour preuve, les plus intrépides retiendront du film l’idée selon laquelle il est primordial de prendre ses responsabilités tandis que les paresseux retiendront la formule « Hakuna Matata » : pas de responsabilités, pas de soucis, une belle vie. Car si le film n’est pas trop moralisateur, c’est parce qu’il privilégie à la fois l’aventure et la poésie. Les instants magiques des réflexions personnelles de Simba ne cessent de laisser place à des scènes d’intenses combats. Le tout dans des décors rarement vus au cinéma où toute l'Afrique est glorifiée, aussi bien sa faune que sa flore.
Comme le dernier chrysanthème qui s’ouvre avant l’hiver et qui semble le plus beau de tous pour celui ou celle qui le cueille, « Le Roi Lion » marque l’apogée des studios Disney. Espérons que l’hiver ne sera pas trop long, cela fait déjà 18 ans qu’il dure. Mais soyons optimistes, "Raiponce" vient de faire bourgeonner les âmes créatrices de chez Disney.