Le Royaume des abysses
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Le Royaume des abysses

Long-métrage d'animation de Tian Xiao-Peng (2023)

Il y a quelques semaines, j'écrivais ma critique des Chambres Rouges de Pascal Plante, expliquant que c'était sans aucun doute pour l'instant LE chef-d'œuvre de 2024. Puis ce petit film a débarqué, sorti de nul part. Et quel énorme choc.


Le Royaume des Abysses est le second long-métrage de Tian Xiaopeng. Réalisateur chinois que je ne connaissais pas du tout pour être honnête, et je pense clairement ne pas être le seul. Franchement, qui a entendu parler de ce film en France ?


Le long-métrage raconte l'histoire de Shenxiu, une fillette de 10 ans, qui est aspirée dans les profondeurs marines lors d'une croisière familiale. Elle découvre alors l'univers fantastique des abysses, un monde inconnu peuplé d’incroyables créatures, mais également du restaurant des abysses. 


Au premier abord, le film semble énormément emprunter à l'imaginaire de Ghibli, et notamment celui du Voyage de Chihiro. Je ne vais pas détailler pour rien vous dévoiler des personnages et des créatures, mais vous comprendrez très vite. On a également des grosses allusions à d'autres Ghibli, à savoir la faune et la flore sous-marine ultra colorée comme dans Ponyo sur la falaise, ou bien ce restaurant qui se déplace et qui n'est pas sans rappeler Le château ambulant.


Pour autant l'animation est très différente, et est en réalité vraiment très atypique. Mais voilà il faut le dire, tout ce qui se passe dans le film est complètement fou visuellement parlant. C'est ultra frénétique, on a en permanence des centaines d'idées visuelles à la seconde, ça déborde de détails absolument partout, et je n'avais pas pris une telle claque d'animation depuis Across the Spider-Verse l'an dernier. Et je trouve même que Le Royaume des Abysses va encore plus loin dans la folie et la beauté des visuels.


Il y a des couleurs vives et pétantes absolument partout, mais surtout un travail bluffant sur les textures, la matière, la viscosité de l'eau ou des aliments. On arrive à tout ressentir, tous les objets animés à l'écran semblent vraiment palpables. L'ensemble oscille constamment entre du photoréalisme et de l'aquarelle, et c'est d'une beauté indescriptible. Je pourrais en parler des heures, mais il faut vraiment le voir pour le croire. Je n'arrive même pas à imaginer comment autant de travail a pu être fourni pour un si petit film.


Sinon, à la manière d'un Voyage de Chihiro, ou plus récemment du Garçon et du Héron, c'est un film très allégorique. L'histoire qui nous est racontée est une pure fable, qui part dans tous les sens, et qui sur le papier n'a ni queue ni tête. C'est de l'animation asiatique, on est très loin des standards occidentaux avec les Disney très terre-à-terre. En bref, un pur conte fantastique qui nous emporte dans un récit complètement fantasmé, et où chacun projettera son propre vécu. Et je ne m'attendais pas à plus.


Sauf qu'au bout de je dirais 1h15-1h30 de film, il se passe quelque chose, une incursion du réel dans la fable, qui donne du sens à énormément de choses qui se sont déroulées auparavant. Le film développe un réel propos, un propos précis. Même si encore une fois, chaque personne va s'approprier le film et le propos sous le prisme de son propre vécu. Attention, je ne dis pas que tout est justifié, ou que tout le scénario s'emboîte parfaitement. Il est essentiel de voir le film avant tout comme une expérience sensorielle, qui nous emporte et résonne d'une certaine manière en nous. Mais le film donne finalement des clés sur ce qui se passe pour les personnages, il explique un minimum leur ressenti et l'origine de leur ressenti.


Jusqu'à un final, plutôt long d'ailleurs (une vingtaine de minutes), qui m'a tout bonnement anéanti. De toute ma vie, je crois que j'ai pleuré devant 3 ou 4 films, c'est quelque chose qui est vraiment rare. Mais là j'ai non seulement chialé pendant tout le final, mais c'est le premier film qui me fait pleurer lorsque j'y repense. Il y a une telle alchimie entre les visuels extraordinaires, le récit, et la partition musicale splendide, qui n'a rien à envier aux partitions de Joe Hisaishi. Le simple souvenir du message que veut transmettre le film, me bouleverse à un point que je n'ai jamais connu auparavant.


C'est un film qui nous crie de profiter de notre vie, et qu'il est tout à fait normal d'avoir des phases compliquées à affronter. Contrairement à un certain The Son sorti l'an dernier et qui abordait la dépression de la pire des manières, Le Royaume des Abysses nous le dit littéralement : ce film est fait pour les personnes qui traversent actuellement une période sombre. C'est un film qui comprend ça, et qui le dédramatise. Qu'il est normal d'avoir des périodes compliquées dans une vie, que l'on a tous des anxiétés profondes, voire des traumas enfouis. Mais que l'important est de rester fort, de sourire, et de sourire sincèrement. Et le film fait preuve d'une telle pureté dans son message. C'est une œuvre à laquelle je repenserai dans les moments compliqués. Mais surtout une œuvre que je n'oublierai tout simplement pas, je pense.


Et on parle d'un film dont je n'avais jamais entendu parler il y a une semaine. Enfin, je m'intéresse énormément à l'actualité cinéma, mais comment ce film peut autant être dans l'indifférence la plus totale ? Pour l'anecdote, nous étions seulement 3 dans la salle de l'avant-première (dont une amie). D'un côté, cela a rendu le moment d'autant plus pur et précieux, mais de l'autre, tout ça témoigne d'un manque d'intérêt majeur et bien triste pour le film. Je vous conjure donc d'aller découvrir ce chef-d'œuvre en salles !


Tout ça est bien évidemment un ressenti très subjectif, puisque c'est un film très personnel. Mais quelle claque.



(Mon compte de critiques ciné sur Instagram : @le_videoclub_)

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le 18 févr. 2024

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