Le vieux DVD édité chez Artus Films, au sein de la collection "British Horror", l’annonçait d’entrée de jeu : Le Sang Du Vampire fut un film extrêmement rare, dont le négatif original a été égaré pendant de longues années et qui s'est vu restructuré à partir de différents matériaux retrouvés de-ci de-là. Il aura donc fallu patienter un peu plus de 50 ans pour (re)visionner le montage nommé "continental" par ses auteurs, autrement dit la version INTÉGRALE de cet excellent film d’horreur réalisé en 1958 par Henry Cass. Il existe depuis un Blu-ray, toujours édité chez Artus, qui magnifie encore plus la texture du long-métrage en lui offrant une extraordinaire cure de jouvence.

En 1957, la compagnie cinématographique indépendante et anglaise Hammer s’est largement imposée au sommet du box-office avec le formidable remake en couleur de Frankenstein, œuvre culte appartenant à l’âge d’or du cinéma Fantastique américain des années 30. Cette nouvelle version, baptisée chez nous Frankenstein S'est Échappé !, succès public international sans précédent dans le domaine très spécifique du cinéma Fantastique britannique, donne évidemment des idées à quelques producteurs créatifs dont le duo Robert S. Baker et Monty Berman, qui deviendront multimillionnaires quelques années plus tard grâce à l’attraction du public pour la télévision et leurs deux séries à succès : Le Saint (1962-1969) et Amicalement Vôtre (1971-1972).

Pour l’heure, les deux amis débauchent Jimmy Sangster, scénariste vedette de la Hammer et heureux auteur des scripts de Frankenstein S'est Échappé ! et du Cauchemar De Dracula, autre triomphe international de l’époque pour la firme Hammer. Séduit par la volonté des deux producteurs à lui offrir carte blanche sur son travail, le scénariste invente une histoire totalement azimutée à base de transplantations cardiaques ou autre exérèses sanguines peu orthodoxes au sein d’un lugubre hôpital psychiatrique victorien. Dirigé par le cruel et sadique docteur Callistratus, l’asile permet à ce dernier d’expérimenter tous types d’expériences sur ses patients afin d’élaborer la solution différentielle des groupes sanguins qui pourra l'affranchir d’une mort certaine.

Ici, point de canines acérées ou de châtelain séjournant dans un cercueil, Callistratus utilise la science pour se nourrir de plasma humain qu’il s’injecte quotidiennement par perfusion. Pour se faire aider dans sa sinistre tâche, il manipule et corrompt le procès d’un jeune médecin de génie, John Pierre, accusé à tort d’une grave erreur professionnelle ayant provoqué la mort d’un fortuné patient. Condamné à perpétuité, John se retrouve ainsi entre les griffes de Callistratus. Mais ce n’est sans compter sur l’acharnement de la jeune fiancée du héros, Madeleine, ardemment décidée à sauver son cher et tendre et prouver publiquement son innocence...

Monstre sacré du théâtre anglais et anobli en son temps par la Reine Elizabeth II, Sir Donald Wolfit incarne à merveille l’ignoble docteur Callistratus, personnage vraisemblablement culte pour toute une génération de cinéphiles. Éternellement secondé par Carl, son serviteur assassin défiguré et handicapé, très certainement inspiré par le physique de Quasimodo, Callistratus n’éprouve aucune humanité, aucun sentiment fraternel et ne vit que pour sa propre survie. Un certain paradoxe pour un médecin que Jimmy Sangster n’hésite aucunement à glisser à plusieurs reprises avec subtilité dans la psychologie de ce terrifiant personnage remarquablement composé.

L’héroïne, Madeleine, est incarnée par une très jeune Barbara Shelley, pas encore, à cette époque, la vedette anglaise du cinéma de genre qu’elle deviendra, d’abord grâce à son rôle dans Le Village Des Damnés, puis suite à son engagement au sein de la Hammer où elle immortalisera des personnages féminins inoubliables dans les classiques que sont La Gorgone, Dracula, Prince Des Ténèbres ou encore Les Monstres De L'Espace. Des œuvres souvent abouties et marquantes de par leurs qualités formelles, que je ne peux que conseiller à celles et ceux qui ne les ont jamais visionnées.

Exactement de la même manière que je puisse conseiller Le Sang Du Vampire, dont l’horreur graphique non-suggérée a bien ici six ou sept ans d’avance sur son temps. Car, comme déjà souligné plus haut, le long-métrage paru chez Artus Films présente bel et bien LA version intégrale de l’œuvre, telle qu’elle a été exportée dans les pays étrangers à la fin des années 50, la censure britannique ne permettant aucunement à montrer des gens dévorés par une meute de chiens ou agonisant lentement face à la mort, transpercés de part en part. Cruel, sadique et violent, Le Sang Du Vampire fut donc le début d’une collaboration qui s’avérera très prolifique pour ses deux producteurs et qui n’hésiteront pas à réitérer dans le genre avec deux autres chefs-d’œuvre immortels que seront Jack L'Éventreur (réalisé par leurs soins en 1959) et L'Impasse Aux Violences en 1960.

Dans les bonus du Blu-ray, le spécialiste du bis Alain Petit explique que les deux producteurs de l’œuvre ont été les premiers à avoir eu l’ingénieuse idée de proposer deux versions. Une variante relativement soft pour l’exploitation anglaise tandis qu’un montage bien plus corsé, dit "continental", sera ainsi utilisé pour la distribution internationale. C’est le négatif original de ce dernier qui avait été malencontreusement égaré, ce qui eu pour résultat de distribuer la version charcutée du film pour le marché de la vidéo depuis les années 1980. Merci à l'équipe d'Artus d'avoir enfin rectifié le tir.

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le 7 oct. 2023

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