Un artiste apprend que l'Eglise catholique veut canoniser sa mère. Il en ressent un étrange malaise.
Une grande question se pose : pourquoi la canoniser ? Officiellement, parce qu'elle fut une martyre (assassinée par son propre fils qui est reconnu malade mental) et qu'une vague connaissance a eu une guérison miraculeuse en l'invoquant. Mais notre artiste, Ernesto, suppose d'autres raisons.
Cinéaste très politique, Bellocchio s'interroge sur la place de l'Eglise catholique dans la société italienne. On assiste à une histoire qui prouve la puissance démesurée du pape et de l'administration vaticane. Ainsi, cette canonisation est voulue, désirée par toute la famille parce qu'elle en ferait une sorte d'aristocratie religieuse. Une sainte dans la famille, c'est l'assurance de monter socialement, d'acquérir un statut supérieur. Quant au miraculé, ami de la famille, il recevrait des droits sur ses apparitions médiatiques.
Or, tout dépend du témoignage du frère criminel, interné et désespérément muet. Alors, la famille fait pression sur l'arriéré pour qu'il plaide en faveur de la sainte...

Bellocchio va encore plus loin, décrivant la haute société italienne comme sclérosée. L'épisode quasiment surréaliste du comte en est un incroyable exemple : Ernesto a offensé un noble en souriant (ce même sourire qui est, selon lui, une marque familiale héritée de la mère). Le comte va donc le défier, à l'ancienne, un matin à l'aube, avec choix des armes et témoins. Ça apparaît complètement décalé dans un film qui est vraiment ancré dans le quotidien. Ce comte est-il donc coupé du monde ?

Au milieu de tout ça, le cinéaste se plaît aussi à faire un formidable portrait d'Ernesto, personnage complexe, insaisissable. Il affirme haut et fort ne pas croire en Dieu, mais enseigne à son fils à faire la prière. Malgré ses convictions et son assurance apparente, il n'a aucune prise sur la réalité. Il a l'air de ne rien comprendre à ce qui se passe. L'artiste qui, par définition, veut maîtriser le monde, se laisse entièrement dominer.
L'interprétation de Sergio Castellitto est, en ce sens, absolument formidable. Les yeux écarquillés, les épaules voutées, il arbore constamment un air ahuri, comme s'il ne comprenait rien à ce qui se passe autour de lui.
Le rythme est très lent et, en général, le film est moins intéressant que Buongiorno Notte, mais c'est profond et subtil. Jamais Bellocchio n'a l'air d'asséner un message. Rien que pour ça, pour ne pas faire un cinéma militant avec ses gros sabots, je lui suis reconnaissant.
SanFelice
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le 25 juin 2012

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