Pour beaucoup de personnes qui ont moins de soixante ans, ou qui ont vu le documentaire pas du tout racoleur de Michael Moore, Charlton Heston est cette espèce de vieillard excité, toujours prêt à brandir son flingue pendant les meetings de la NRA.

La mémoire, dans sa divine sélectivité, peut se souvenir de l’immense acteur qu’il était, un homme complexe aux engagements paradoxaux et à la filmographie atypique comme le prouve The Omega Man.

Deuxième adaptation du roman de Richard Matheson, après The Last Man on Earth (1964) et avant I am Legend (2007), le film de Boris Segal se détache dans sa nature même de l’œuvre originale.

Dans le roman, la pandémie n’a aucune cause, la Nature reprend ses droits sur l’Homme, condamné à périr ou à devenir une bête pour survivre. L’être humain meurt comme les dinosaures avant lui, simple hasard de la sélection naturelle.

Dans le film de Boris Sagal, c’est une attaque bactériologique qui a éradiqué la civilisation. The Omega Man retranscrit les peurs et les fantasmes d’une époque où l’être humain vivait sous la constante menace de son annihilation. Ici, nous sommes les artisans de notre mort.

Le docteur Robert Neville est le seul survivant de cette apocalypse, grâce au vaccin expérimental qu’il a crée et qu’il s’est injecté. Il erre dans les rues d’une Los Angeles déserte dont les voitures arrêtées au milieu de la route évoquent la brusque fin du genre humain.

Une scène d’une cruelle ironie nous est alors offerte. Neville est dans un cinéma devant un documentaire sur Woodstock dont il connait les dialogues par cœur. Charlton Heston devant des hippies dont l’utopie est définitivement morte au profit d’un cauchemar dont on ne peut que survivre mitraillette à la main.

Car il n’est pas seul. Des albinos maléfiques sapés comme des raéliens ont eux aussi survécu. Transformés par la maladie, ils ne peuvent sortir que la nuit à cause d’une peau assez intolérante au Soleil. Pour ceux qui ont vu Buffy, ce sont des vampires mais sans la mégaclass’ de Spike.

Encore une fois, le film se détache du roman. Dans l’ouvrage de Matheson, ces vampires n’avaient rien d’humain tandis qu’ici ce ne sont pas des bêtes affamées mais des hommes doués de parole et dans une moindre mesure, de conscience.

Entre deux autodafés, ils essayent de tuer Neville. Ultime reliquat d’une société éteinte, il est à leurs yeux la cause de cette apocalypse. Ceux qui ont lu Ravage se souviennent de la fin, un mec construit une charrue et se fait buter. Le progrès technique et scientifique porte en lui les germes de la destruction.

En cela, le film est très intéressant car il offre une opposition de points de vue. Bien sur le trait est grossi et les vampires sont des hommes dont le cerveau a souffert mais cette réflexion a le mérite d’exister.

On pourrait presque voir ce peuple comme un chapitre manquant de La Machine à Explorer le Temps, le moment où l’être humain a arrêté d’évoluer, la dernière marche avant le déclin.

Seulement, Charlton est là et le dernier bad-ass de la planète ne va pas laisser faire ces altermondialistes de l’extrême. Aidé par une poignée de survivants, il va essayer de reproduire son vaccin pour faire perdurer l’espèce humaine.

The Omega Man n’est sans doute pas dans le top-ten des meilleurs films de science fiction mais il se pose comme une étape fondamentale du Cinéma.

Outre le fait qu’il affiche à l’écran l’un des premiers baisers interraciaux, il est une pierre angulaire du post-apocalyptique.

Ce sous-genre qui s’est développé avec la peur de la bombe atomique, enterrant pendant longtemps une science fiction plus optimiste, connaîtra son heure de gloire dans les années quatre-vingts avec Mad Max.

Le chef d’œuvre de George Miller et ses innombrables successeurs doivent beaucoup à The Omega-Man, premier film du genre à illustrer la maxime de Hobbes dont ils seront les parangons :
« L’Homme est un loup pour l’Homme ».

Et puis un film où l’un des personnages s’appelle Dutch ne peut pas être mauvais, demandez à John Mc Tiernan.
cruzsandal
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le 8 févr. 2014

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cruzsandal

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