Tout ou presque a été écrit sur High Noon, mais en découvrant le film pour la première fois hier, je me suis dit que les mots de Louis-René des Forêts lui allait bien :
L'action sitôt engagée le délivre de la peur qu'il entendait battre avec tant de bruit à son côté, la peur, la peur de s'exposer et la peur de faiblir.
Tombé tout vif aux mains de ceux qui sont fermés à la pitié, comment se résoudrait pour finir le conflit entre bravoure et lâcheté ? Question à laquelle nul ne peut répondre en conscience - la torture du corps ou celle de l'esprit, serrer les dents ou flancher ? Question lancinante qu'on se pose sans mentir à soi-même pour mesurer avec effroi ses faibles chances de respecter jusqu'au terme un contrat dont la souffrance est le prix, même si le rompre serait pire que mourir. À moins que l'épreuve d'une douleur physique suffocante où l'angoisse noue la gorge, où la raison vacille, ne retienne celui qui la subit de glisser sur la pente de l'abjection et, quand ses lèvres allaient s'ouvrir, ne le frappe de mutisme, lui assurant fortuitement une victoire qu'il ne devra qu'à la cruelle stupidité de ses bourreaux... Mais un peu plus, un peu moins de chance n'y change rien : comment retrouver intacte la part la plus haute de soi-même qu'en vue de sauver l'autre on s'était résigné à perdre dans un moment de lâche abandon ?
in Ostinato, éditions Mercure de France, avril 1997, p. 94-95