Rire désespéré (et le lien qui existe entre ce film et "L'exorciste")
"Dans ce film il y a tout, j'y trouve quelque chose de nouveau à chaque fois que je le vois. Entre 5 et 10 fois par an. Je me rends compte que c'est mon film préféré" raconte un vieux bonhomme à la salle en ce jour de décembre. Ce vieux bonhomme s'appelle William Friedkin. Le réalisateur de "L'exorciste" et de "French Connection" évoque "Le trésor de la Sierra Madre" avec l'émotion d'un môme au moment de Noël. Ce dernier a été invité à la Cinémathèque Française dans le cadre du festival "Toute la mémoire du monde" pour présenter une carte blanche de cinq films. Dont sa pièce maîtresse (dont je m'apprête à vous parler, arrêtez de vous impatienter, nan mais oh !).
Pourquoi ce film ? Parce qu'il parle de survie, d'obsessions, de folie et de paranoïa parfois aussi... Les obsessions du maître sont toutes présentes. Son "film classique américain préféré" est également pur dans sa réalisation. Et novateur. Il s'agit en effet de l'un des premiers films tourné "on location", dans des décors naturels. Le père Friedkin nous en parle assez longuement. Puis, il nous félicite d'aller voir ce film au lieu de regarder le foot ou un programme sans profondeur comme il en passe tant sur nos écrans plats. Enfin il envie les gens qui ne connaissent pas encore le film. Et invite alors les autres à redécouvrir cette histoire d'homme qui parle de l'Homme, de ses bas instincts...
L'histoire est simple : deux américains peinant à joindre les deux bouts au Mexique décident de s'associer à un homme, le vieil Howard pour exploiter un filon dans la Sierra Madre.
Le sujet central du film est donc l'or. L'Or destructeur, dangereux... Nos trois hommes trouvent le filon. Le suspens n'est pas là. Les choses se corsent lorsque l'Or rentre vraiment en jeu, s'infiltre dans le groupe comme un mal insidieux, les possédant, leur attirant tous les dangers. Le Mal se trouve donc là.
Huston film alors ses personnages dans un Mexique hostile où la menace est interne et externe au groupe. Une tension croît progressivement. La quête, au départ relativement paisible et prometteuse devient de plus en plus instable, à l'instar de cet homme, interprété par Bogart (incroyable) et tombant progressivement dans la paranoïa.
La musique du film est toujours plus dissonante.
Car ce ne sont pas des valeurs nobles qui agitent le trio. Ils sont ici animés par la survie, parfois l'appât du gain... Nulle soif intarissable de justice et justiciers en vadrouille ici. Ils n'ont d'ailleurs rien d'héroïque. L'exemple le plus flagrant est bien sûr celui d'Humphrey Bogart, habitué à "jouer les gentils", devenant ici ténébreux, paranoïaque, effrayant.
Et les questions posées sont bien loin d'un film d'aventure inconséquent : comment agir face à l'argent ? Pour sa survie ? Par rapport aux autres ?
Si les ressorts dramatiques du films se trouvent en grande partie dans les dialogues (et que l'on pourrait en parler des heures), le film reste pour le moins rythmé par ses scènes d'action, ses retournements de situations. L'histoire n'est pas statique. Et les personnages secondaires existent.
Ainsi nous retiendrons notamment ce bandit mexicain, figure paraissant anecdotique mais dont la présence n'est jamais loin. Elle se caractérise en partie par un rire fou. Sadique ? Désespéré ?
Le désespoir est peut-être le moteur des personnages, la raison pour laquelle ils cherchent l'or, gardent précieusement l'or, se tourmentent... Et le rire sa conséquence.
Au final, si le film ne se solde pas par une pure "happy end" hollywoodienne, il laissera raisonner en tête un rire fou, incontrôlé, irrationnel, ou qui trouve peut-être sa raison dans le désespoir.