Cette critique fait partie de la liste "John Carpenter: The Prince of Darkness"
https://www.senscritique.com/liste/John_Carpenter_The_Prince_of_Darkness/1608951


Avant le film de Rilla en 1960 et ce remake et , il y a d'abord le roman de John Wyndham, Midwich Cukoos.


Sous ce titre intriguant (soit littéralement "Les coucous de Midwich") , le récit s'intéresse à une xénogénèse (formation d'un être vivant appartenant à une espèce différente de son hôte) à la faveur d'un évanouissement général, localisé dans un périmètre bien précis de la petite ville de Midwich.


La référence aux coucous du titre prend racine dans le mode de vie de cet oiseau.


En effet, cette espèce de la Classe des Aves (nom scientifique pour Oiseau) a une particularité bien spécifique: c'est une sorte de parasite dans son comportement.
La femelle s'introduit furtivement dans le nid d’un autre oiseau pour y pondre son œuf.
Puis lorsque le propriétaire du dit nid revient couver sa progéniture, l’œuf du coucou profitera de ce bénéfice.
A savoir aussi que l'incubation des Cuculidaes a une durée bien plus courte que la normale.
Une fois éclos, le coucou sera nourri comme ses autres compagnons de couvée...
On retrouve donc cette analogie et dans le roman et dans le film de Rilla et donc dans le remake de Carpenter.


10 femmes en âge de procréer sont donc victimes de cette "implantation fœtale" et ce, bien malgré elles.


L'on aura donc quelques situations inhabituelles concernant ces grossesses soudaines:


-l'une est tout simplement vierge,
-la suivante est une femme fidèle, dont le mari était en déplacement depuis quelques mois,
-une autre n'était pas censée pouvoir procréer...


John Carpenter - qui a même invité Wolf Rilla à venir sur le tournage - n'avait pourtant aucunement l'envie de faire ce remake.


Mais Universal Pictures l'a appâté en lui promettant que s'il faisait ce film, ils lui laisserait mener à bien son projet de remake de Creature From The Black Lagoon, qui lui tenait à cœur à l'époque.
Carpenter accepta donc de faire cette relecture à cette seule condition. Mais les exécutifs d'Universal ne tinrent évidemment pas leurs promesses, scellant ainsi la fin de la collaboration entre Carpenter et Universal Pictures...


De fait, Village of the Damned est décrit par Big John comme suit:


"The film was a contractual assignment and because of that, I was really not passionate about it".


Mais il s'impliqua quand même dans le projet et avec l'aide de Reuben Cannon - responsable du casting - il put réunir une brochette d'acteurs "ayant eu leurs moments de gloire":


-Christopher Reeve (Superman et Somewhere In Time),
-Kirsty Alley (Star Trek II et Runaway)
-Mark Hamill (Star Wars Trilogy),
-Michael Pare (Street of Fires et Philadelphia Experiment)
-Linda Kozlowski (Crocodile Dundee)
-Meredith Salinger (The Kiss).


Carpenter donne surtout plus de pouvoir aux femmes dans sa version, faisant par exemple de Mara, la possesseuse de l'esprit leader des enfants.
Ainsi donc, il casse le classicisme du film de Rilla et le fait entrer de plein pied dans la modernité.


Le tournage se déroula non loin de la maison secondaire de Big John (une de ses exigences envers Universal, de fait il rentrait chez lui quand bon lui semblait) située à Marin County, en Californie.
Cet endroit paisible (qui avait déjà accueilli une partie du tournage de The Fog, en 1979) devint cependant assez mouvementé, quand les locaux apprirent l'imminence du tournage.
Ceux-ci s'estimant spoliés de leurs territoires, ils firent tous leurs possibles pour interférer sur les prises de vues:


-lors de certaines prises, l'un d'eux actionnait sa tondeuse à gazon une fois le mot "action" crié,
-un autre fera de même avec sa tronçonneuse
-et un petit groupe tenta même une effraction dans l'un des camions contenant le matériel de production...).


Déjà que Carpenter n'était pas très chaud pour réaliser ce film, ces incidents répétés achevèrent de le rendre morose...


Et ce n'est pas les critiques - une fois le film sorti - qui vinrent renverser la donne.
En effet, Village of the Damned fut très mal accueilli et les recettes s'en ressentirent.


Mais qu'en est-il du film, à présent?


Eh bien, il est toujours considéré comme mauvais, voire inutile.


Pourtant - ma note vous l'aura déjà fait deviner - je trouve que ce remake est plutôt une réussite.


Outre le fait d'avoir évacué l'aspect daté (politique anti-communiste) de l'original et d'avoir renversé les rapports de force (les femmes font partie prenante de l'action), du film de Big John se dégage une certaine fatalité dans le fait que les "adultes" - sensés représenter l'autorité - deviennent des êtres apeurés et serviles, devant ces "enfants" que rien ne semble pouvoir stopper.


Mais surtout, c'est l'interprétation de l'incroyable Lindsay Haun (Mara) qui réussit à briser l'imagerie d'Epinal de la fillette douce et obéissante.


La gamine se compose donc un visage impassible et son regard froid comme la glace, ajoute une plus value par rapport à l'original (où c'était classiquement un garçon qui était le leader).


On retrouve aussi pour la dernière fois un Christopher Reeve en pleine possession de ses moyens (avant son tragique accident équestre qui le rendra paraplégique, en mai 1995) renouant avec la sensibilité de son personnage dans Somewhere In Time et la hargne de celui qu'il interprétait dans le méconnu Street Smart, enrobé d'un déterminisme fataliste.


Kirsty Alley incarne quant à elle une scientifique pragmatique et légèrement arrogante, apportant tout son talent pour figurer ce personnage nuancé.


Tandis que Linda Koslowski montre une facette plus dramatique de son talent, Mark Hamill compose un personnage plus complexe que Skywalker, même s'il aurait gagné à être plus visible à l'écran...


Carpenter (secondé par Dave Davies) compose en outre une BO très réussie (où l'on reconnaitra un mélange s'inspirant de celle de The Thing et Prince of Darkness) illustrant avec justesse les évènements se déroulant à l'écran.


Ainsi, "The Fair" est une douce mélodie pastorale évoquant les films des années 50 alors que "Burning Desire" évoque un certain malaise avec ses percussions sur fond de mélodie rappelant un peu celle de Prince of Darkness.
Quant à "March of the Children", c'est avec un sentiment de fatalité que le thème s'égrenne à l'envie, avant de se terminer sur une note assez funèbre du dit thème retravaillé.


Burning Desire by John Carpenter and Dave Davies:


https://www.youtube.com/watch?v=cUNQ5hMmfEU&list=OLAK5uy_kYZUljo6fVqb3kS5xrCqL8FqSoHmGqaPU&index=11


Certes, il manque un petit quelque chose dans le film (la passion de Carpenter, en fait) mais Village of the Damned reste quand même un film très regardable, où plane une certaine mélancolie (le suicide de Barbara - l'épouse d'Alan Chaffee - est d'ailleurs une scène d'une tristesse insondable, étant donné que celle-ci saisit toute l'horreur de la situation mais sans pouvoir l'empêcher d'une quelconque manière) mêlée à un parfum de mini-Apocalypse.


Certains diront que les scènes clés du film original sont quasiment reprises telles quelles et que de ce fait, il manque de l'inventivité dans cette relecture du film de Rilla.
Je ne pourrai pas dire le contraire, mais les quelques changements suivants:


-le couple Reeve/Kozlowski
-le personnage de Mara,
-pas de sous-texte politique,
-le massacre entre flics et militaires,
-les effets visuels sur les yeux
-l'apparition des véritables traits de Mara à la fin,
-le Révérend passant outre ses convictions profondes et prêt à abattre la gamine,
-la BO...font de ce Village of the Damned 95 un crû Carpentérien tout à fait fréquentable, un peu trop sous-estimé en égard à son modèle.


"They have the look of man... but not the nature of mankind. "


March of the Children by John Carpenter and Dave Davies:


https://www.youtube.com/watch?v=9cu1M5uYcDA&list=OLAK5uy_kYZUljo6fVqb3kS5xrCqL8FqSoHmGqaPU&index=1

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le 16 févr. 2017

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