Le Vœu
Le Vœu

Moyen-métrage de Maher Kamoun (2003)

Habib (Keine Bouhiza) est un homme entre deux âges : sorti de l’adolescence, puisqu’il est âgé de trente ans (« A peine ! Vingt-neuf !... », rectifie-t-il auprès de sa mère), mais vivant encore chez ses parents, malgré le métier de vendeur au rayon frais d’un supermarché qui pourrait lui assurer une autonomie financière. À une collègue et amie qui lui propose une co-location, il oppose un refus, prétextant qu’il se veut indépendant... Et pourtant...


Il se trouve à la jonction de deux cultures puisque, né en France, il est issu de deux parents originaires du Maghreb, et répugne à discuter en arabe avec sa mère, malgré sa connaissance de la langue.


Enfin il est partagé entre deux femmes : l’une, sa mère (Daouia Merrah, criante de naturel), hyper présente, hyper nourricière... L’autre, plus rêvée qu’approchée, la jeune employée de pharmacie (Raphaëlle Evia) qui lui délivre les médicaments nécessaires à la bonne santé maternelle.


C’est dans les frottements du jeune homme à ces deux femmes que le réalisateur-scénariste, Maher Kamoun, va déployer toute l’étendue de sa sensibilité et son art du dialogue. A travers des échanges si délicatement écrits qu’ils en débordent d’humour - sans compter le contrepoint, toujours irrésistiblement ajusté, apporté par la voix off de la télévision -, Maher Kamoun donne à voir et à entendre la résistance taciturne opposée par le jeune homme à sa mère, aussi bienveillante que directive. Il déjoue ensuite très tendrement le piège classique de la rivalité féminine, en dotant la mère de toute la capacité d’initiative qui manque si cruellement à son cher fils, suscitant ainsi une savoureuse scène de rapprochement forcé au cœur du salon familial...


Quel est, dès lors, le bon génie de la famille, l’être magique qui permet que « le vœu », si énigmatiquement promu par le titre, se réalise ? Cette mère vécue comme insupportablement intrusive, ou le mystérieux clochard, croisé dans un ascenseur obscur et en panne, dont l’ami de Habib est persuadé qu’il s’agit d’un djinn, et que le dernier plan montre s’éloignant et disparaissant dans la forêt...?


Un premier moyen-métrage incroyablement prometteur du réalisateur et acteur, dont la subtilité ne se limite visiblement pas à son jeu, puisqu’il illustre ici, avec une grande authenticité, un sens des caractères et des situations véritablement réjouissant.

AnneSchneider
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le 27 oct. 2018

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Anne Schneider

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