Attention chef d’œuvre


Vu pour la deuxième fois, ce Vittorio De Sica touche une nouvelle fois une corde sensible. Celle de l’injustice. Pas celle de la grande injustice, dénoncée par des pseudos hommes du peuple qui pensent que dénoncer c’est agir (voilà, ça sonne bien, ça fait une petite pique gratuite, mais j’ai rien derrière).
L’injustice du peuple, par le peuple, pour le peuple. L’injustice des pauvres, qui, parce qu’ils sont pauvres doivent, pour certains, voler pour s’en sortir.
L’injustice car pour s’en sortir, certains, ont justement besoin de cette bicyclette. L’injustice du quotidien, celle qui vous fait dire que ce monde ne tourne pas rond (Est-ce que ce monde sérieux ?).


Le Voleur de Bicyclette c’est simplement l’histoire d’un mec fier d’aller au taff pour sa famille et qui se fait voler sa bicyclette et qui voit alors son monde s’effondrer.


Mais le film est tellement puissant, fin, subtil, que ce vélo, c’est plus simplement un simple vélo, c’est plus un simple assemblage de chaîne, de roues, de guidon…C’est le Graal.
C’est le futur, c’est l’espérance, l’espoir d’une vie meilleure, l’espoir d’avoir la fierté de son fils et de sa femme, l’espoir d'échapper à son existence, l’espoir d’aller plus haut (Bisous Tina), l’espoir de vivre pour quelque chose…ou même simplement, l’impression de vivre et non plus de survivre.
Le vélo devient le symbole de la réussite.


En témoigne la scène finale, où Antonio se sent humilié. On ne sait pas s’il est humilié par ce qu’il à fait, ce que les autres lui ont dit ou par la réaction de ce bourgeois, qui, n’avait de toute manière aucune considération lui. On a l’impression que c’est un mélange de tout.


Et dans cette quête, ce gars, Antonio, interprété par l’immense performance de Lamberto Maggiorani, qui juste pour ce rôle, à toute mon admiration, en vient à devenir un anti-héros attachant et admirable.
Il en vient à tirer de la messe un vieux un peu fragile et surtout, le pire du pire, il en vient à voler, devant son fils, un vélo.
L’humiliation est terrible mais tristement injuste. Mais le plus beau au fond c’est toute l’admiration que le gamin lui porte. J’aime à penser que Bruno est admiratif de ce que son père à fait pour récupérer l’espoir. Car si Antonio a fait tout ça, c’est avant tout pour offrir un futur à ce petit gamin. Et ça c’est sacrément magnifique et il est impossible de rester insensible à la détresse d’Antonio. On est pris à la gorge par l’injustice constante qui voit la « mafia » s’en sortir face au petit ouvrier qui galère. Le film m’a fait le même effet que La Colline des Hommes Perdus, on aimerait jouer un rôle dans cette histoire, juste pour aider.


La réalisation de V. De Sica est tout aussi incroyable et rend cette épopée à la fois épique grâce aux grandes courses poursuites d’Antonio mais aussi par le dynamisme du film. Plus la détresse d’Antonio grandit, plus le film s’accélère, plus le temps passe, plus Antonio se rapproche de l’irréparable.


Le Voleur de Bicyclette est un redoutable portrait de l’Italie d’après guerre porté par ses espérances mais rattrapé par sa pauvreté et son instabilité suite à des années de fascisme.
Révoltant et touchant, Ladri di biciclette est un chef d’œuvre admirable qui par sa simplicité, sa portée politique et la beauté de la relation père-fils, nous donne une magnifique leçon de courage.

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le 14 août 2017

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Halifax

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