Lemon is lemon fait partie de ces films difficilement notables. De ces films qui ont leur intérêt dans l’antipathie et la répulsion qu'il transmet au spectateur, à l'instar du dernier film de Pasolini : Salo. Sauf qu'ici il s'agit d'un premier film, d'un certain Konstantin Bojanov, un court-métrage bulgare de 23 minutes aussi inconnu qu'on s'en fout, à l'instar de ce pays qu'est un peu le tiers-monde d'Europe.


Lemon is lemon car pour consommer de l'héroïne, il faut mélanger la substance à du jus de citron. Donc forcément ça pique. Un jus de citron c'est dégueulasse au premier abord, ça te détruit de l'intérieur, tu le sens passer dans tout ton organisme, ça remue les tripes. Puis après on a mal, on a les yeux qui t'insultent «pourquoi t'as fait ça pauvre type ?! Tu sais que c'est dégeu' !» en te crachant à la gueule des larmichettes acides. Là, c'est un peu pareil.


Bojanov ouvre son film par un fond noir, l'imagination suffit à elle-même quand on entend une voix féminine de cadavre dire «j'ai envie d'une tirette». Ce n'est pas possible une cadavre qui parle je sais, mais c'est tout comme, et même avec l'appétit sexuel d'Evy Nadler on a pas envie «de la tirette». L'image apparaît alors lentement, bien qu'on n'ait pas envie de la voir, elle arrive quand même, et on assiste à cette prise d'héro' comme un rituel de partage entre dingues et paumés.


Malheureusement ce film est un documentaire, les shlags devant la caméra de Bojanov ne jouent pas. Ce qui accentue ces dix premières minutes faisant parties des plus affreuses jamais vues pour ma part, où les aiguilles se plantent lentement au milieu de leurs paroles qui semblent si «normales». Pour tout dire, ma main cachait ces bras à l'écran qui ne demandaient pourtant qu'à être vus, comme pour partager leur détresse, faire prendre conscience. Tout ça est vite devenu intenable, l'horreur se multiplie sans cesse alors que ça leur semble naturel à ces cons, ce qui accentue la chose.


Après dix minutes, l'horreur se transforme alors rapidement en émotion une fois le rituel terminé. Le recul amène à une sincère pitié pour ces paumés emprisonnés sans regret dans un paradis artificiel après ce rite de Satan. Ils ne le savent pas, ne s'en souviendront plus, mais ils ont vraiment quelque chose à dire. C'est un témoignage poignant qui sonne comme un véritable requiem via une boucle de défonce, à l'image du mec qui témoigne sa vie en répétant toujours la même chose sur son amour perdu qui lui disait «c'est ton suicide».


Lemon is lemon est affreux dans la mesure où ces gens se confessent rapidement en disant tellement de choses avec si peu de mots. À ranger aux côté de Salo ou Nuit et Brouillard, c'est un supplice désespérant pour une prise de conscience qui vaut la claque dans la gueule aussi bien pour eux que nous.



Si je peux le voir un jour ce film, ce serait super intéressant pour moi. J'aimerai voir quel genre de con je suis, vu de l'extérieur. Tu sais à l'époque quand on se défonçait...



Avec son ouverture, la conclusion est aussi ironique qu'optimiste dans la mesure où 'il n'y a pas 30 secondes le suicide et la répercussion sur l'entourage était au cœur du dialogue. Le réalisateur a foi en eux, il a peut-être réussi par inversement à leur faire prendre conscience de la situation ? Oui, peut-être, mais il n'est pas naïf, comme le montre cette dernière parole sur fond noir : «Je veux une tirette». Le film se termine comme il a commencé, la boucle continue, l'espoir est aussi palpable que leur poche. Quelle mouche peut donc nous piquer pour en arriver à ce point là ?

Alex-La-Biche
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le 25 juin 2016

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