[Remarques générales. Je n'ai pas envie de juger et noter des films que je n'ai vus qu'une fois, souvent avec peu de connaissance du contexte de production. Je note donc 5 par défaut, et 10 ou 1 en cas de coup de cœur ou si le film m'a particulièrement énervé. Ma « critique » liste et analyse plutôt les éléments qui m'ont (dé)plu, interpellé, fait réfléchir, ému, etc. Attention, tout ceci sans égard pour les spoilers !]


L'élément que j'ai trouvé le plus intéressant, ou le plus potentiellement intéressant, c'est ce que je comprends comme une tentative méta : Zoé (Louane Emera) montre Love actually à Lucas (François Deblock), qui l'interroge sur l'intérêt de regarder des films sur des gens heureux quand on ne l'est pas. Réponse : parce que ça rappelle que le bonheur existe. J'ai l'impression que c'est un mot d'ordre expliquant le ton du film, qui vise la distance d'une comédie romantique et l'effet feel good qui va avec.


Malheureusement, cette visée ne m'a pas empêché de m'ennuyer profondément devant Les affamés, ni de me poser beaucoup de questions.


Par exemple : qu'est-ce que c'est, ce film ? Quelle histoire est racontée ? Le film semble hésiter entre la « tranche de vie » de Zoé et un pitch un peu plus hors du commun, le mouvement des « affamés ». Ou plutôt choisit la tranche de vie, que j'ai trouvée très banale, tout en essayant de faire vivre l'intrigue militante, mais qui se déroule hors-champ. Zoé est égoïste et la caméra colle à cet égoïsme, délaissant les autres personnages ; d'ailleurs quand Maud (Agnès Hurstel) reproche à Zoé de ne pas lui prêter attention, cela n'a pas été montré, c'est plutôt la caméra qui n'a prêté attention qu'à Zoé.


Mais aussi : quelle est la morale de l'histoire ? Là encore, on ne tranche pas vraiment.
Option 1 : que la vie n'est pas noire et blanche, mais grise, qu'il faut donc relativiser et accepter la précarité, se réjouir de travailler chez McDonald's et de vivre dans une soupente, mais une soupente à soi ? Je trouve cette option très insatisfaisante, particulièrement en cette période où les jeunes se mobilisent contre des réformes de l'enseignement supérieur franchement pas favorables à des débuts de vie épanouissants, mais peinent à faire valoir leurs droits.
Option 2 : par une prise de conscience subite (sans raison serait plus clair), Zoé comprend que les jeunes ne sont pas les seuls concerné-e-s par les problèmes de société. Et donc ? Cela réveille les autres classes sociales qui découvrent qu'elles sont aussi les dindons de la farce, et le film finit par une journée nationale - porteuse d'espoir ? Cela me fait surtout l'effet d'une généralisation consensuelle qui rejoint la première option : les problèmes des jeunes, finalement, n'ont rien de particulier et ne méritent pas qu'on en parle...


Au niveau du jeu, comme beaucoup apparemment, j'ai été dérangé par la prestation de Louane Emera, que j'ai trouvé très scolaire et très peu charismatique. (C'est pourtant elle qui avait attiré les deux autres spectatrices de la séance à laquelle j'ai assistée : une petite fille dans les huit ans qui avait vu la bande-annonce à un concert de la chanteuse, et sa grand-mère ; elles ont quitté la salle à la première allusion sexuelle.) Mais rien d'étonnant : Louane est une comédienne verte (chanteuse au départ, c'est à 21 ans son troisième rôle), et celle qui la dirige, Léa Frédeval, est une réalisatrice verte (étudiante blogueuse au départ, c'est à 26 ans son premier long-métrage). Une pique aussi au scénario : difficile d'être charismatique en faisant des discours aussi vides de contenu que ceux que prononce la jeune femme sur son blog ! (Une vacuité que je trouve tout aussi frappante dans les interventions qui ponctuent le générique.) Le reste du casting, cependant, précisément parce que jeune et énergique, m'a convaincu.


Un mot positif pour finir (et se rappeler que le bonheur existe) ? J'ai trouvé très inspirée la séquence en split screen entre Pôle emploi et entretien d'embauche m'a plu. Je crains que l'objectif de ces affamés soit de tirer quelque profit du succès du livre, écrit par la réalisatrice, dont il est tiré, conditions de production pas idéales pour s'exprimer ; Léa Frédeval, le scénariste Bastien Daret et leur équipe ont sans doute mieux à offrir que ce film que que j'ai trouvé vraiment décevant.

Rometach
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le 20 juil. 2018

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Rometach

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