La Hammer, prestigieux studio anglais qui connu son heure de gloire de la fin des années 50 aux début des années 80, n’arrivera décidément pas à renaître de ses cendres quand on découvre cette production complètement anodine et, surtout, très éloigné esthétiquement des oeuvres qui ont fait sa réputation. Après le trop moyen mais élégant La dame en noire (2012) de James Watkins, la boîte essaye tant bien que mal avec ces Âmes silencieuses de concurrencer la production actuelle en misant à la fois sur un scénario tiré de faits réels, mais aussi sur des partis pris de mise en scène qui abusera du found footage au final pas tellement nécessaire et pertinente à l’intrigue.


L’atmosphère et le ton très réaliste misent d’abord sur ces personnages. Si les quinze premières minutes permettent de plus ou moins présenter chacun des cinq protagonistes, le glas retentira dès qu’ils franchiront les portes du manoir pour faire leurs expériences paranormales sur cette pauvre Jane Harper (Olivia Cooke) souffrante de désordre mental et psychiquement très fragile et instable … forcément !


Dès le début, on devine très vite que le professeur Coupland est louche avec ses petites manières arrogantes et son discours pseudo-scientifiques et maniaco-rationnels. De plus, on apprendra aussi qu’il est très proche de son assistante Krissi ainsi que du sujet Jane Harper à qui il témoigne une affection tout à fait ambivalente et pernicieuse.


S’il m’a été impossible de pénétrer dans cette histoire dépourvue de toute accroche réelle et d’enjeux passionnants, je tente de percevoir un geste dans le récit qui essaye de semer le trouble et de développer un certain mystère autour du personnage de Jane et du professeur. Quand on découvre les liaisons secrètes de certains personnages, la jalousie et la parano parviennent à créer quelques moments de tension et, parfois, j’avoue m’être prêté au jeu en me demandant si ces relations électriques se tisseraient diaboliquement autour de l’intrigue horrifique. Avais-je raison ?


Nenni ! Si Coupland joué par l’impeccable Jared Harris (Sherlock Holmes 2, Lincoln, Madmen, etc), clairement le meilleur acteur du film, est peut être le seul de la troupe à susciter un intérêt, il est strictement impossible de suivre cette histoire complètement incohérente et illogique au possible autant dans les données des informations que dans le déroulement des événements. On verra donc la patiente soit disant dangereuse faire joujou près de la mare sans personne pour veiller sur elle (ah si, Brian, qui s’en amourache, la filme au cas ou elle tombe à l’eau !) et une scène de coupure d’électricité en pleine nuit, avec notre cinéaste en herbe qui, caméra au poing, court de l’extérieur et l’intérieur de la maison sans qu’on sache d’où il vienne et sans qu’on sache ou il aille en s’agitant de la sorte !


Finalement, c’est bel et bien cette succession affolante de mauvaises idées qui pullulent le métrage du début à la fin qui fera réellement peur ! L’autre grosse frustration, la réalisation apathique, tremblotante et hasardeuse qui ne viendra jamais relever le niveau. Johne Pogue, responsable à la fois du scénario et de la mise en scène pour la seconde fois de sa carrière (sa première expérience aux deux postes est En quarantaine 2, le bonhomme s’étant d’abord distingué en tant que scénariste … sic), compile et enchaîne les codes du genre sans jamais insuffler un quelconque malaise, ni travailler ses ambiances, la composition de ces plans ou utiliser la profondeur de champ : jamais le cinéaste ne tentera de styliser un minimum les scènes charnières qui sont censées effrayer ou bien celles qui impliquent des révélations importantes.


La seule chose qui à l’air de l’amuser, c’est de filmer des portes qui s’ouvrent, des escaliers vides dans la pénombre ou les quelques déambulations de Brian dans les couloirs de la maison … Toutes sortes d’éléments et de décors familiers qui n’apportent non seulement rien au récit, mais dont la volonté consciente et peu subtil se traduit surtout par « regarde spectateur, tu es dans un film d’horreur ! Treeeeemble ! » en ne parvenant jamais à focaliser sa caméra sur quelque chose de concret ou captivant : silencieuse ou pas, si esthétiquement il n’y a pas de corps, il ne peut y avoir d’âme. N’ayant aucune matière à laquelle nous attacher, on se rendra vite à l’évidence que le film n’a rien à montrer en plus de n’avoir rien à dire. Le final pathétique résume à lui tout seul toutes les intentions foireuses des scénaristes !


Pourtant, quand arrive la dernière partie, on imagine ce que le film aurait pu être s’il avait été confié à des gens compétents et soucieux du détail. Mélanger le côté scientifique et psychiatrique avec le fantastique n’est en soit pas nouveau, mais avec cette histoire de femme possédée confrontée à l’obsession du scientifique qui soutient mordicus que sa patiente délire simplement et qu’il n’y à rien de surnaturel dans son comportement, on entrevoit alors un potentiel inexploité et une matière intéressante à développer entre les trois personnages du scientifique aveuglé par ses travaux, de la patiente soumise et du jeune cinéaste épris de Jane.


Mais bon voilà, avec son traitement naturaliste et son recyclage mythologique, Les âmes silencieuses n’offre pas tellement de scènes vraiment chocs et c’est là finalement son plus grand défaut. La seule scène ou le premier élément horrifique fait son apparition avec cette énorme langue visqueuse et serpentine qui sort soudainement de la bouche de Jane surprend et subjugue, certes, le temps d’une seconde. Mais aucun des personnages ne semblent vraiment inquiets ou perturbés … Quand ils reviennent sur cet événement marquant la scène d’après, le bellâtre Harry ironisera en lançant un « ouais, un truc sorti de l’Exorciste ! » sans être un temps soit peu traumatisé par ce qu’il vient de vivre.


S’il plane quelque fois un parfum de mystère sur sa manière de flirter avec plusieurs genres, jusqu’à proposer une relecture presque attachante de La maison du diable (1963) de Robert Wise (mais tout en singeant allègrement L’exorciste 1 et 2 !), j’oublierais pour ma part très vite cette énième déclinaison de film de possession. Même la délicieuse et inquiétante Olivia Cooke (découvert dans le très beau mais imparfait The Signal de William Eubank), prêtant son visage lunaire et fiévreux à un personnage qui lui va à merveille, ne parviendra pas à sauver son interprétation dans cette production fastidieuse qui n’a clairement aucune personnalité.


Ayant connu un four dès sa sortie salle en Angleterre, mais tout de même sélectionné au Festival de Gerardmer 2015 (dans la catégorie Hors Compétition), Les âmes silencieuses sera directement distribué en dvd en France sans passer par la case cinéma. Finalement, seule l’une des affiches permettra d’attiser notre imaginaire et d’évoquer un lot d’émotions bien supérieur à la totalité des images et des scènes du film : ça fout vraiment les j’tons quand je pense à cela, tient !

Mathieu_Babhop
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le 18 août 2016

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