Peu savent qu’avant d’être un petit écrivain pour de grands enfants, J. K. Rowling a travaillé à la chambre de commerce de Manchester, et qu’elle aurait créé le slogan « quand il n’y en a plus, il y en a encore. » En tout cas, elle en a presque fait le principe de son univers Potter, qu’il faut désormais appeler Wizarding World, ou du moins de son heptalogie romanesque, dont les romans les plus longs sont les moins bons, même pour les fans les plus fanatiques. Il reste à savoir à qui elle s’adresse maintenant, si ce n’est à ceux qui refusent de haïr ou à ceux qui ne savent qu’aimer, car exploiter n’est pas enrichir, et le musical Harry Potter and the cursed child l’a récemment confirmé. Mais qu’à cela ne tienne, car on va rejouer la partie à la George Lucas, donc remonter en arrière pour remplacer Voldemort par Grindelwald et reprendre tout ce qu’on peut, de Dumbledore à Nagini en passant par la pierre philosophale, ce qui risque soit de tourner à l’hermétisme référentiel soit de ramener par la déception aux premières inventions.
L’élargissement qui n’a pas eu lieu avec Potter, à d’autres âges que celui où l’on se cherche ou à d’autres lieux que Hogwarts, est l’objectif atteint cette fois, et ce malgré les retours à l’école. Mais ces retours, du reste assez maîtrisés, servent à mieux reposer Dumbledore, en osant d’ailleurs la suggestion homosexuelle dans sa relation avec Grindelwald, ce qui a le mérite d’expliquer pourquoi il téléguide encore un disciple contre son ennemi. Oui, les chœurs pour faire épique ou l’accordéon pour faire français étaient évitables, comme le filtre gris sur l’objectif de la caméra qui est devenu le travers du fantastique numérique, mais la statue vivante qui ouvre sur un Paris alternatif, le hochet qui suffit à dompter le dragon et la volonté d’insérer les monstres dans l’intrigue sans leur donner trop de place ni pas assez, ça fait plus que compenser. Et quand on voit ces Aurors dans des décors Art Nouveau Déco, avec chapeau et costume en ordre de bataille s’avancer contre la dictature, on sent presque cette puissance cachée qui manquait tant aux enfants de Hogwarts, et qui représente peut-être la vraie suite de la vie là-bas. Le tout aurait mérité d’être plus serré, les Lestrange moins compliqués et Grindelwald plus complexe, mais au moins, le film prouve qu’exploiter peut signifier approfondir, et parvient même à finir sur une surprise en toute cohérence.
Pour public averti (et qui veut vérifier qu’une suite peut être meilleure qu’un début) : Fantastic beasts: The crimes of Grindelwald (2018) de David Yates (qui est devenu réalisateur avec Potter, ce qui s’est vu avec son seul écart depuis, c’est-à-dire son navrant Tarzan), avec Eddie Redmayne (qui joue toujours son personnage comme une sorte d’autiste, mais l’acteur interprétant le même personnage jeune prouve en l’imitant que ce n’est pas si facile) et Zoë Kravitz (qu’on laissera retourner aux publicités où elle peut se contenter de poser, étant donné que son personnage inutile n’a pas été créé pour durer)
Avis publié pour la première fois sur AstéroFulgure