Tintin et Spielberg : des effets spéciaux révolutionnaires et des scènes d'actions spectaculaires nous cachant une magnifique bouillie américano-européenne au goût infâme. Mixer deux merveilleux ingrédients et vous n'obtiendrez pas forcément un plat comestible. Spielberg a l'ambition de mélanger deux cultures similaires mais pourtant trop différentes, sans doute une ambition démesuré pour un businessman.


Si à l'époque un critique a dit que Indiana Jones était un Tintin américain, cela ne signifiait pas que Tintin était américain. Au début du film, Spielberg n'avait pas oublié qu'il adaptait une bande dessiné européenne réaliste. Le générique révèle au néophyte l'univers de Tintin. Une mini-enquête est mené par notre reporter sur un meurtre. Après quelques péripéties, il arrive à emprisonner le coupable. Seul l'image nous révèle ici les caractéristiques principales des personnages : Les Dupondt sont bêtes et maladroits, Tintin est futé et persévérant. On nous présente donc l'univers de cette bande dessinée. On remarque les trames typiques de la narration: le commencement par l'enquête puis l'aventure. Le fan service n'est pas oublié, des images qui nous rappellerons les aventures de Tintin comme la fusée de « on a marché sur la lune », le château de « l'île noire » sont inclues avec subtilité à l'arrière plan. Des bulles de bande dessinée et les traits caractéristiques du travail de Hergé sont aussi utilisés dans ce générique... On ressort donc de ce générique en ayant une grande confiance dans le film, on nous a rassuré en nous disant que l'équipe du film connaissait l'univers de Tintin. Le premier plan du film rend en plus hommage à Hergé, on le voit faire un portrait de son personnage. On remarque déjà un excédent d'hommages et de références.


Jusqu'à la rencontre de Haddock le film tient ses promesses. L'image issue de la motion capture est magnifique, la bande dessinée prend vie devant nos yeux. Les personnages sont bien présentés et immédiatement reconnaissables. L'univers est bien retranscrit, mais c'est sans compter sur la partition de John Williams, qui vient sans doute de signer sa pire bande originale. On se rappel de la musique de E.T, d'Indiana Jones, de Star Wars et j'en passe, mais personne ne se souviendra de celle de Tintin, si ce n'est du son cliché de l'accordéon. Les stéréotypes français fonctionnent sans doute à l'étranger. On évitera aussi de parler des détails horripilants comme le fait que des journaux français comme « le petit vingtième » soit écrit entièrement en anglais.


Le scénario qui n'est pas mauvais en soit manque de relief, tous les retournements sont prévisibles et des indices étant claires pour nous, sont répétés par Tintin brisant ainsi l'intelligence du personnage. Si le début du film ne nous paraît pas si mauvais que ça et que finalement malgré quelques petits détails on pense pouvoir passer un bon moment, la suite va littéralement couler le film et le trésor qu'il adaptait avec.


La rencontre avec Haddock est sans doute un des moments les plus attendus des connaisseurs, mais c'est surtout le moment de l'impact avec le néant créatif des scénaristes et l'envie de faire un film pour les enfants. Si Tintin est une œuvre intergénérationnelle c'est par sa complexité et le mélange de genre. L’enquête et l'aventure sont les ingrédients principaux saupoudrés ensuite d'humour pour alléger. Ce côté comique est surtout assuré par le comportement de Haddock et l'humour burlesque des Dupondt. Dans la première partie du film l'humour fonctionnait à merveille avec le reste du film. Cependant, avec l'arrivée d'Haddock, l'humour va littéralement devenir redondant et ridicule. Si les premières blagues sur l'alcoolisme sont drôles, celles qui suivront plongerons le film dans la lourdeur. Notamment la scène des marins alcoolisés tombant de leurs lits au fil du tangage du bateau sans se réveiller. Un comique si bas de gamme ne fera rire que tonton Roger. De plus, l'humour de la bande dessinée était de l'ordre de l'anecdote. Si Bianca Castafiore cassait des verres avec sa voix c'était pour démontrer au lecteur, qui ne pouvait pas l'entendre, la puissance du son. Au cinéma cela peut être très bien retranscrit. Spielberg en voulant être fidèle à la bande dessinée retranscrit cette humour, littéralement. Cependant une bonne adaptation ce n'est pas seulement de recopier l’œuvre originale, c'est l'agencer. Ce qui est un petit élément d'humour dans la bande dessinée sans importance et qui ne remet pas en cause l'univers réaliste de Tintin devient ici un élément de la narration totalement foireux.


La diva doit casser avec sa voix la vitre blindée qui protège une des maquettes du navire


. Le spectateur remet alors en cause l'entièreté de l'univers où évolue Tintin. Un univers réaliste devient alors surréaliste. Et l'humour n'est pas le seul élément qui va dans ce sens.


Spielberg a la lourde tache de retranscrire une bande dessinée européenne pour le monde. Il faut donc la rendre plus universelle, notamment en rajoutant de l'action. Pourquoi pas? La culture européenne en a vu d'autre. Mais les scènes d'actions créées pour dynamiser le film ne font ici que le ridiculiser. Si dans une avalanche d'effets spéciaux Tintin arrive à détruire une ville, il n'en est pas de même dans la bande-dessinée. Là où Tintin aurait couru, il glisse ici sur un câble électrique avec la roue d'une moto; là où un combat entre deux navires se déroulait naturellement, dans le film il faut qu'il y ait un bateau qui fasse de la balançoire sur le second. Dans Pirates des Caraïbes le combat dans le maelström fonctionnait car l'univers était fait pour. Le spectateur y croyait. Dans Tintin, qu'il y ait une tempête pendant le combat, soit! Cela dynamise la scène et la rend plus inquiétante, mais pourquoi un bateau fait de la bascule au-dessus de l'autre. Le combat devient totalement ridicule. Il en est de même pour la scène du combat de grue. L'effort qui a été fournis pour retransmettre l'univers pictural n'a pas été le même pour traduire l'univers tout court. Spielberg transforme l'univers réaliste de Tintin en un tripe sous acide.


Les talents de mise en scène du réalisateur se transforment en maitrise technique impeccable. Mais les images issues de la motion capture ne sauvent malheureusement pas le film du gouffre qui l'habite. Spielberg arrive à nous montrer de magnifique plans séquences grâce à la technologie transformant alors le film en une attraction de fête foraine, à la limite du grand parc d'attraction. Si la scène du combat entre Rackam le Rouge et François De Haddock fonctionne parfaitement bien, c'est parce que le plan séquence vient appuyer la tension créée par le temps qu'il reste au bateau avant d'exploser. Durant leur duel, les deux protagonistes se battront pour allumer et éteindre la mèche reliée au barils de poudres qui détruiraient le bateau. La caméra fixe le feu brûlant la mèche au premier plan, et le combat au second. Cette mise en scène fait partie des derniers vestiges du génie de Spielberg. Mais c'est cependant le seul plan séquence qui ne soit pas qu'une utilisation de la technique pour mettre le spectateur dans une montagne russe, à l’instar de ceux pour la poursuite de la voiture par Milou ou encore pour la course pour récupérer des parchemins.


Spielberg a le mérite de vouloir plaire aux fans et aux profanes; aux américains et aux européens. Mais cela a pour conséquence de dénaturer l'univers de l’œuvre d'origine et de nous fournir un film plat, sans saveur. Finalement le film est tellement tiraillé qu'il ne pourra malheureusement contenter que quelques poissons de l'Atlantique.


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le 12 juin 2017

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