Tintin et Spielberg. Qui doit-on remercier pour avoir rendu ce rêve possible ? Pas facile à dire. La familiarité entre Indiana Jones et le reporter belge était saisissante. Au point que de nombreux journalistes européens le signalèrent à Steven Spielberg lors de la promotion des Aventuriers de l'arche perdue en 1981. Le réalisateur ne connaissait pas le héros crée par Hergé, et pour cause : il est relativement inconnu du grand public aux États-Unis alors que ses aventures y sont éditées depuis les années 60. Intrigué par ces comparaisons (très fréquentes), le papa d'E.T se procure la collection Tintin. L'épiphanie. Un homme-enfant, l'ordinaire face à l'extraordinaire, cette ligne claire qui vous projette dans l'action tel un grand-huit,...Les deux icônes étaient faites pour se plaire. Trente ans plus tard, on retrouve tout ça sur grand écran. On peut même dire sans rougir que Le Secret de la Licorne est le seul vrai héritier de la franchise consacrée au professeur Jones. Alors merci qui ?
Attendez, ce n'est pas encore fini...


Trois décennies à attendre, c'est long. Mais il fallait bien ça pour trouver l'approche idéale, susurrée à l'oreille de Spielberg par...Peter Jackson. En grand fan de la bande-dessinée, le réalisateur à qui l'on doit Le Seigneur des Anneaux ou King Kong veut faire de cette adaptation un nouveau jalon dans la motion capture, seul outil à même de transposer fidèlement l'esthétique incomparable des albums. Orphelin d'un père décédé en 1983, Tintin est alors confié aux bons soins de ces deux oncles visionnaires. Le temps d'un générique à vous faire monter les larmes aux yeux, c'est toute l'enfance qui revient. Trois minutes magistrales qui mélangent 2D et 3D afin de préparer la transition dans la joie. Et à partir de là, merci d'accrocher vos ceintures. Libéré de toutes les contraintes physiques posées par le réel, Spielberg livre son film le plus fou depuis un bail.


N'en déplaise à certains réalisateurs minimisant l'importance de la mise en scène sur un film d'animation, c'est pourtant la première chose qui frappe en regardant Le Secret de la Licorne. Le mouvement a beau être permanent, la caméra n'oublie jamais de composer un cadre parfaitement lisible avec foule d'idées au premier comme au second plan, sublimées par la photographie magique de Janusz Kamiński. Galvanisé comme rarement, le cinéaste fait de chaque transition un morceau de bravoure, enchaîne les séquences phénoménales en combinant jeu sur les échelles et décors, montage parallèle, gags visuels et pyrotechnie over-the-top. Tout le monde parle de ce plan-séquence à Bagghar (ce n'est pas pour rien !) mais sachez qu'il n'est qu'un échantillon de cette démonstration de force. Sur son dernier acte, Les Aventures de Tintin aurait peut-être gagné à se détendre un peu (la confrontation finale, un peu too much). D'un autre côté, mieux vaut pêcher par générosité que par radinerie.


D'une pierre deux coups, Spielberg ressuscite la pureté narrative d'Hergé et redonne vie à cet univers si familier, à mi-chemin entre la transposition et le photoréalisme. On a parlé du spectacle, mais la première des réussites concerne les personnages. Le reporter intrépide est retranscrit à la perfection dans son caractère et son physique (Jamie Bell, excellent).Son fidèle compagnon à quatre pattes est tout aussi réussi. Courageux, joueur et gourmand ; c'est bien notre Milou. Cependant, la star du film est le capitaine Haddock. Pathétique puis admirable, brave mais coléreux (on ne se lasse pas de ses fameux jurons), le marin au sévère problème de boisson est tout bonnement irrésistible. Nouvelle performance en titane signée Andy Serkis. On pourra regretter l'absence de Tournesol, mais le long-métrage a déjà plus qu'assez à faire. De plus, il s'avère que le film mêle admirablement 3 albums (Le Crabe aux Pinces d'or, Le Secret de la Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge), les petites infidélités ne trahissant à aucun moment l'esprit et la teneur des BD. Enfin, saluons la bande-originale somptueuse de John Williams. Le thème ne marquera peut-être pas autant que celui de la série animée (inoubliable, il faut l'admettre), il en demeure que les compositions se plaquent à merveille sur l'imagerie démentielle concoctée par l'équipe Spielberg/Jackson et Weta Digital.


Merci qui ?
Sans Indiana Jones, pas de Tintin.
Sans Steven Spielberg, pas de Tintin.
Sans Peter Jackson, pas ce Tintin.
Alors soyons honnêtes et remercions-les tous. En plus d'une adaptation de haute volée, Le Secret de la Licorne est surtout un film d'aventures comme on en voit plus. Avec une pointe de sarcasme (mais pas tant que ça), on pourrait même y voir l'Indy 4 qu'on avait tant fantasmé. Tout se recoupe.

ConFuCkamuS
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top Steven Spielberg, Top 2010/2019 et Les meilleurs films de Steven Spielberg

Créée

le 27 juil. 2019

Critique lue 71 fois

ConFuCkamuS

Écrit par

Critique lue 71 fois

D'autres avis sur Les Aventures de Tintin - Le Secret de la Licorne

Du même critique

Dune
ConFuCkamuS
4

Anesthésie Spatiale

Peut-on partir avec un avantage si l'on décide d'aller voir l'adaptation d'une œuvre matrice dans la littérature ? Oui, en ne l'ayant pas lue. Il n'est pas toujours aisé de jongler entre...

le 15 sept. 2021

66 j'aime

8

I Care a Lot
ConFuCkamuS
4

Épigone Girl

Dur d'échapper à son rôle phare. Propulsée sur le devant de la scène avec le rôle d'Amy dans le d'ores et déjà classique Gone Girl réalisé par David Fincher, l'actrice Rosamund Pike n'a pas ménagé...

le 20 févr. 2021

60 j'aime

Les Trois Mousquetaires - Milady
ConFuCkamuS
3

Tous pour presque rien

Huit mois, ça peut être un vrai obstacle à la compréhension à l'ère du streaming et du binge-watching. Tout spécialement si vous vous lancez dans la suite d'un film pas très fameux, et que cette...

le 13 déc. 2023

48 j'aime

7