J'ai jamais aimé Tintin. Le seul album à m'avoir procuré un certain plaisir est Tintin et l'Alph-art car il dévoile la seule authentique qualité d'Hergé : le classicisme narratif. Voir comment chaque page se finit par un élément qui nous oblige à tourner, comment les informations sont méthodiquement délivrées, tout le travail de préparation est un million de fois plus intéressant que n'importe quel album achevé.
Du coup, quand Spielberg et Jackson déclarent s'emparer du projet, créant une attente fébrile à l'échelle mondiale, je me fends d'un "meeh" dérisoire.
Aussi entré-je dans la salle d'un pas nonchalant.
Le début est proprement insupportable. Car si la narration à haute voix un peu naïve fonctionne sur le papier, dans le film ça a failli me rendre fou :
"Oh Milou ! Qu'as-tu fait ? Le bateau est cassé ( il montre le bateau cassé, gros plan sur le mat ) Le mat est cassé ! ( on voit un objet parterre ) Oh ! Milou ! Un objet, là ! Sur le sol ! ( il se penche pour le ramasser ) Je le ramasse ! ( il le dévisse, il y a un papier dedans ) Je le dévisse, il y a un papier dedans ! C'est un poème : je le lis à voix hau...TUVASLAFERMERTAGUEEEEUUULE !!!?? "
Non mais c'est quoi ce travail ?
Fort heureusement, cette zone d'inconfort ne dure qu'une vingtaine de minutes. Quand Tintin rencontre Haddock, il a enfin quelqu'un a qui poser des questions utiles et cesse de passer pour un foutu psychopathe. Ça n'est pas sans rappeler Indiana Jones et la Dernière Croisade, qui ne démarrait qu'à l'arrivée de Sean Connery. D'ailleurs la scène est la même : il entre par la fenêtre, ils s'embrouillent, mais s'échappent ensemble grâce à une ruse de sioux.
Et comme le film démarre enfin, on a une quantité de retrouvailles de ce genre. Tout du long, Spielberg cite ouvertement une horde de ses films ( Jaws, Hook, Catch me if you can... ) faisant de son Tintin le point d'orgue de sa filmographie.
Comme chacun le sait, il a découvert Tintin suite à une critique élogieuse des Aventuriers de l'Arche Perdue. C'est donc une sorte d'introspection historique qu'il nous laisse entrevoir entre deux morceaux de bravoure. Car en effet, Steven en profite pour glisser les deux scènes d'action les plus impressionnantes de l'année : le flash-back de Rackham vs Francois et le célèbre plan-séquence interminable de Bagghar.
Au final, en dépit de son incipit catastrophique, Tintin s'en sort avec les honneurs. Je me demande où Peter Jackson va l'emmener quand il s'attaquera à la suite...