Le projet de ce film était à la fois courageux et mal vu en 1968, dans cette Amérique qui voulait oublier cette guerre du Vietnam honteuse où sombrait sa jeunesse, c'était donc courir au désastre. Souhaitant exalter le courage des soldats américains qui s'y battaient, John Wayne ignorant les conseils de prudence, s'engagea totalement et décida de produire, d'interpréter et de co-réaliser (avec Ray Kellog) ce film où il pourrait proclamer ses convictions patriotiques comme il l'avait fait avec Alamo pour immortaliser le courage des Texans. Porte-drapeau d'une certaine Amérique anticommuniste, il se rendit plusieurs fois au Vietnam pour suivre de près des opérations au mépris du danger, et pour mieux se documenter, mais il était en décalage avec l'opinion publique de l'époque, il ne reçut d'ailleurs du Pentagone, habituellement prêt à apporter son aide aux cinéastes tournant des films de guerre, qu'un maigre soutien à la production, le sujet étant tabou. Au même moment, de jeunes Américains brûlaient leurs livrets militaires et affrontaient les forces de l'ordre ; autant dire que ce film fut aussitôt accusé d'être un film de propagande, surtout qu'à sa sortie, il provoqua des remous, les pacifistes ayant protesté avec véhémence.
On peut donc le voir ainsi, mais aujourd'hui, près de 50 ans après, les passions se sont calmées et les avis aux Etats-Unis et en Europe se sont nuancés sur le Vietnam et sa politique. On peut aussi, peut-être à tort, le comparer à un western où les vietcongs ont remplacé les Indiens et sont dépeints comme des barbares abominables. Mais il a le mérite d'être le premier film sur cette guerre qui a ensuite alimenté les écrans.
Alors d'accord, le film adopte un point de vue outrageusement favorable à l'intervention américaine, et en ce sens, il peut déranger, mais on peut le voir aussi comme un témoin sans fausse pudeur sur le déroulement de certaines opérations, osant aborder de front un sujet brûlant. Il est bien réalisé et bien interprété par un casting de qualité où la star est entourée par une flopée de bons seconds rôles pour la plupart issus des séries télé, et il bénéficie d'une bonne musique signée Miklos Rosza. Sauf que comparé aux films qui suivront comme Voyage au bout de l'enfer ou Platoon, les Bérets verts manque d'objectivité, et le manichéisme du scénario affaiblit le propos.
Reste qu'au niveau technique et au niveau spectacle, le film n'est pas plus mal qu'un autre du même genre, ayant plus la mission d'un film de guerre hollywoodien grand public qu'une analyse précise de la situation au Vietnam.

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le 10 mars 2017

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Ugly

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