Voici donc le dernier film de l'un des grands maîtres du chambara en forme de chant du cygne. Formellement le film est maîtrisé de bout en bout, chaque plan atteint un haut niveau pictural magnifié par un superbe scope.


Le scénario quant à lui reste beaucoup plus évasif et peut surprendre de par ses changements de ton et des retournements un peu trop brutaux dont il abuse avec une sorte de paresse que l'on pourrait assimiler à de la lassitude. Le postulat de base s'auto limitant à un simple concept linéaire tendant à montrer l'effondrement de la dynastie des samouraïs dans une période post-Meji faites de guerre des clans et d'affrontements divers.


L'ère Meji fera rentrer le Japon d'alors dans la modernité et disparaîtront les fratries claniques et le régime féodal du Shogunat. Les samouraïs rentreront alors dans le rang et auront l'opportunité pour la plupart d'intégrer l'armée nationale.


En forme de grand adieu nostalgique à la fratrie des "serveurs" de l'épée, le dernier film de Misumi tente de mettre en branle les états d'âmes d'un samouraï de haut niveau qui après la mort de son maître et la fin d'une ère pendant laquelle il aura imposé sa réputation de bretteur hors paire, n'aura de cesse de s'interroger sur l'intérêt de l'utilité de la violence et le renoncement de sa condition.
On y croise toute une palette de personnages haut en couleur, allant de l'épéiste fière et hautain à son pendant malade et névrosé, de la prostituée à l'épouse fidèle, apparaissant et disparaissant au gré du déroulement de l'histoire avec une sorte de désordre pouvant s'apparenter à un manque de maîtrise narrative.


La violence des joutes et moins radicales que dans sa grande saga sanglante Lone Wolf (Baby Cart) et n'apparaît de que par bribes. Les combats sont plus brefs et moins démonstratifs. Sauf dans un final qui vire subitement au grand-guignol dans des fulgurances d'ultra-violence en forme d'explosion orgasmique.


Bien que bien maîtrisé formellement, le film aurait gagné à être moins désordonné narrativement, bien qu'il faudrait néanmoins ne pas oublier que l'on est dans un film de Kenji Misumi, probablement le plus anar des grands illustrateurs du chambara et que la linéarité n'a jamais vraiment été sa force principale de conviction. Préférant un formalisme rugueux à la photographie sur-éclairée dédié à l'action painting couleur hémoglobine.


La distribution joue probablement un rôle dans le manque de consistance qui peut parfois laisser un sentiment de frustration. Ça peut paraître facile, mais ça manque cruellement d'un Tetsuya Nakadai, d'un Raizo Ichikawa ou d'un Shintarô Katsu voir de la mine de droopy exterminateur d'un Tomisaburo Wakayama... même si Ken Ogata ne s'en tire finalement pas si mal.


Le dernier film de l'un des quelques grand maîtres du chambara sera finalement à l'image de son œuvre qualitativement très consistante et historiquement incontournable mais souvent désordonnée et parfois bordélique, mais toujours formellement sublime et violemment jouissive

philippequevillart
7

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le 7 déc. 2016

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