LES DRAPEAUX DE PAPIER (Nathan Ambrosioni, FRA, 2019, 10

2min) :

Ce touchant drame familial dissèque avec sensibilité les liens du sang à travers la difficile réinsertion d'un jeune délinquant qui sort d'une longue peine de prison, et va trouver refuge chez sa petite sœur avec l'espoir de retrouver la lumière dans sa vie.

Pour son premier long métrage, le précoce et talentueux autodidacte Nathan Ambrosioni (âgé de 19 ans), s'attaque à un sujet délicat avec ce drame social sous la forme d'une chronique intimiste. Avec une maîtrise évidente de la grammaire cinématographique ce jeune réalisateur épate par la simplicité évidente dans la façon de nous raconter cette émouvante relation frère-sœur. Une histoire affectivement complexe entre Vincent 30ans (incarcéré douze ans) qui débarque à sa sortie de prison chez Charlie, sa frangine âgée 24 ans, une artiste qui rêve de vivre de ses croquis mais trime comme caissière dans un supermarché pour tenter de joindre les deux bouts et propose à son aîné de l'héberger chez elle, le temps que celui-ci trouve un emploi.

Dès la première séquence la mise en scène capte les soubresauts corporels, la caméra attentionnée s'approche au plus près des corps pour mieux capter chaque frémissement, chaque respiration, chaque silence, chaque mouvement de tête, pour scruter le moindre regard et tous les tourments sous la peau en serrant magnifiquement ses plans. Loin d'une expérience doloriste ou misérabilisme, le récit n'invite jamais non plus l'esbroufe à venir s'installer au cœur de l'intrigue par des rebondissements spectaculaires. Le long métrage minimaliste respire l'authentique dans ce parcours ponctué de flux et reflux de violences où chaque rancœur et amertume ne peuvent que sortir de façon impulsive et incontrôlable chez Vincent : "Je casse tout quand je m'énerve" confie t-il à sa psy. Une instabilité autodestructrice retranscrite avec sensibilité qui fragilise l'équilibre précaire retrouvé auprès de sa sœur qui ne peut pas jouer le rôle de mère : "Je suis ta petite sœur, pas ta mère." lui assène t-elle pour le faire grandir un peu, alors que Vincent tente de s'adapter à l'extérieur dont il n'a plus les codes.

Comme deux animaux blessés ils vont se flairer, marquer chacun leur territoire avant de s'apprivoiser peu à peu malgré les difficultés. Deux êtres vivant sans leur mère décédée et dont les relations difficiles du père avec un fils dont il ne veut plus entendre parler depuis son incarcération, et distendues avec sa fille dont il ne la retrouve que pour les dates "obligées" (anniversaire, Noël, jour de l'an) vont atteindre un climax de haute tension lors d'une scène de repas d'anniversaire de Charlie absolument saisissante. Le montage habile amplifie la narration limpide, Nathan Ambrosioni va à l'essentiel avec une maturité d'écriture qui n'est pas sans nous rappeler le réalisateur Xavier Dolan (autodidacte également) avec remarquable J'ai tué ma mère (2009) réalisé au même âge lui, et dont certains cadrages et jeux de lumière y font aussi penser.
Mais la singularité de ce premier essai parfois encore un peu fragile, vient par son sens de l'épure, dont son âpreté du regard, sa justesse des traitements dans les conflits et les explosions des sentiments qui s'avère assez sidérante.

Un long métrage exigeant et ombrageux s'appuie avec foi sur l'impressionnante interprétation viscérale et très intense du formidable Guillaume Gouix (L'ennemi Intime, Jimmy Rivière, Hors les murs, Les Confins du monde), dont l'alchimie avec l'épatante et vibrante Noémie Merlant (Le ciel attendra) fait vaciller nos pores à fleur de peau, devant cette histoire intime qui fait écho à nos propres fêlures familiales. Venez accompagner ce sensible récit d'apprentissage de réinsertion et de reconquête des liens familiaux, et découvrir aussi un nouveau jeune réalisateur prometteur à suivre au-delà du réussi Les drapeaux de papier. Sombre. Délicat. Lumineux. Bouleversant.

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le 5 sept. 2023

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