Il ne se passe pas grand-chose, et pourtant... Seulement, l'univers d'Aki Kaurismäki est tellement unique, singulier qu'il parviendrait à séduire avec deux bouts de bois au milieu d'une forêt. À travers d'une histoire d'amour d'une simplicité déconcertante, « Les Feuilles mortes » offre un univers feutré, élégant, d'une rare douceur. Les détails font toute la différence : la photographie, les lieux, la musique (je dois absolument retrouver le morceau hautement mélancolique (et un peu glauque!) chantée par les deux femmes aux deux tiers du récit dans le bar), les affiches de cinéma, l'humour, se concrétisant notamment à travers des dialogues à la fois courts, discrets et percutants (certaines répliques cinglantes sont d'une rare efficacité).
À la fois angoissé (la guerre en Ukraine sur fond radiophonique), critique de l'époque et des injustices dans son pays (emplois précaires, licenciements expéditifs, système économique absurde...), le cinéaste semble toutefois garder foi en l'être humain, donnant la part belle à son héroïne (et son adorable chien!) sans juger trop sévèrement son protagoniste masculin, la grande finesse d'interprétation d'Alma Pöysti et Jussi Vatanen, très « expressifs dans leur sobriété » n'y étant pas non plus étrangère. Alors c'est vrai que l'attirance entre les deux âmes égarées peut surprendre, voire paraître peu crédible.
Mais chez Kaurismäki, nous sommes prêts à croire tellement de choses, surtout lorsque celui-ci fait doublement allusion à l'un des plus grands maîtres de l'Histoire du cinéma pour boucler son récit... En à peine 80 minutes, tout est dit, raconté, sans avoir eu besoin de multiplier les personnages ou les intrigues secondaires. L'une des très belles réussites de cette année 2023, que j'aurais certainement grand plaisir à redécouvrir à l'avenir : en tout cas, il est grand temps que j'augmente sensiblement mon nombre de films (deux!!) réalisés par le maître finlandais.