Ce qui frappe dans la première heure, c'est la façon dont le film semble se dispenser d'intrigue. Il chemine ainsi dans des plans à la beauté minérale, dans une dialectique image-montage (travail remarquable de Caroline Champetier, même si parfois à la limite de l'académisme et de Marie-Julie Maille) sidérante. Chaque geste est intrigant et Xavier Beauvois parvient à nous faire sentir la terre, la pierre, la rousseur d'une chevelure, la blancheur d'une peau, le bleu acéré d'un regard (magnétiques Laura Smet et Cyril Descours), la buée hivernale autour du corps chaud d'un cheval de traie. Il y a quelque chose de profondément français dans la matière même de l'image. Dans la seconde partie, on voit comme le film est tiraillé entre son réalisme sec et beau d'un côté, et l'attrait du lyrisme (la musique de Michel Legrand) et du romanesque de l'autre, qui fait prendre à la narration les chemins attendus des grands mélo de guerre - au hasard "Les Parapuies de Cherbourg" : ils s'aiment mais la guerre les sépare, la mère de la jeune fille brûlera les lettres, un enfant naîtra qui ne connaîtra pas son père. Passionnant.