Ceylan est devenu au fil des films l'un des plus grands cinéastes de notre époque, et son dernier opus long de 3h17 ne vient pas déroger à la règle. Il s'éloigne de plus en plus du formalisme qu'on a pu lui reprocher à une époque (c'était déjà le cas dans Le Poirier Sauvage, son précédent) pour aller au cœur des choses, ou plutôt au cœur des individus. Dans une intrigue pas si éloignée que ça de La Tâche de Philip Roth ou même de La Chasse de Thomas Vinterberg, Ceylan déjoue tout de suite les attentes : Oui, un professeur est accusé à tort par de jeunes adolescentes, mais non le cinéaste n'utilisera pas cet argument pour bâtir un suspense insoutenable qui va peu à peu emprisonner le personnage et le spectateur. Non, le spectateur sait le personnage innocent et cela suffit. D'ailleurs c'est un film qui déjoue formidablement les attentes. Il s'appelle Les Herbes Sèches, mais tout le film se passe dans la neige, les herbes sont recouvertes pendant 3h15 et on ne les voit que lors des deux dernières minutes, juste avant un plan de la jeune fille d'où tout est parti et qui se retourne pour nous fixer. Tout ça dit beaucoup de choses sur les apparences et sur la question de la vérité, de qui la détient, et de qui détient la parole. Car le film est aussi un film sur la parole, sans doute celui de Ceylan où les personnages parlent le plus, et le plus librement. Tout en aimant le film, j'y ai vu sur le coup quelque facilité, mais plus le temps passe et plus le film travaille en moi et me livre sa nature.