On aime généralement Capra malgré sa mièvrerie parce qu'il y a dans ses films une énergie qui emporte tout avec elle, notre adhésion comprise. Les bons sentiments de Capra sont souvent portés par une action qui se suffit à elle-même : c'est qu'aussi bien les bons sentiments se traduisent par la générosité de ses personnages que l'optimisme naît du rythme. On n'admire moins Capra pour son propos qu'on ne se réjouit de sa manière.

Et c'est par là que Horizons perdus pèche. Capra entreprend de nous démontrer, à travers l'exposé d'une utopie, ce que l'on sait d'emblée, que tout système politique se fonde sur la croyance des sujets le constituant. Manquer de foi en son système, c'est ou s'en exclure ou le détruire. Une très fine analyse du soviétisme ! Il est seulement amusant de s'apercevoir que Capra n'y songe pas et semble regretter le manque de foi de George en un système social qui rappelle les schtroumpfs, à cela prêt que l'élite pensante n'y travaille pas. Un système évidemment qu'autorise l'abondance de ressources d'une part et l'autarcie de l'autre. C'est-à-dire une utopie qui n'est absolument pas un modèle politique, mais un délire de rêveur du type : ce serait tellement bien, si... Où Capra n'est pas absolument dupe de la faiblesse de sa pensée politique, c'est qu'il lui accole une once de fantastique qui suffit au récit pour se brancher sur la parabole : à Shangri-La, on ne vieillit que très lentement. De cette façon, l'utopie n'est plus l'intérêt du film qui devient cette simple réflexion vis-à-vis de la foi. Autant dire que ça ne vole pas très haut, que ça ne va pas très loin.

Dès lors, les personnages, tenus par le cadre d'une démonstration, n'ont plus de liberté (liberté, bien entendu, qui est l'écueil du film, puisqu'il faut avoir la foi, vouloir être libre est une menace : l'URSS on vous dit !), donc l'histoire n'a aucun rythme, le propos aucun souffle, on s'ennuie et on attend longtemps que quelque chose arrive.

Le huis-clôt dans l'avion était pourtant bien mené et jusqu'au crash, le film reste de bonne facture ; surtout, on reste admiratif devant les scènes de montagne et les vues aériennes. Mais c'est bien peu pour faire un film !
reno
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le 26 oct. 2011

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reno

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