Au départ, c'est l'histoire d'un type qui va crever et il sera accompagné par ses potes parce que son fils va s'occuper de lui de la meilleure façon qui soit. On ne pourrait guère mieux nourrir le pitch de poncifs boboïstes, et quand on pénètre le film, un peu mieux, ça sent à plein le nez le soixante-huitard, en fin de vie. Qu'on adhère, ou pas, ce n'est pas sur l'originalité du scénario qu'il faut donc attendre les Invasions barbares. Le sujet est bien connu, la question n'étant pas moins que "Mais quel sens donner à la vie quand c'est la mort qui vient ?". De quoi donner des sueurs froides à tout cynique parisien, et on peut comprendre qu'à première lecture sa prétention prête à sourire, ou exaspère.

Beaucoup d'impératifs vont naître dans la bouche de l'homme qui s'apprête à mourir, et dont on aménage un purgatoire dans un étage désaffecté d'hôpital public - premier regret ici qu'un tel décor ne soit pas plus exploité ! - dans son propos en tout cas, ce n'est pas un film universel. Il prend parti. Au moins, ça change du compromis plat : les bons sentiments du devant de la scène sont négociés à l'arrière-plan. Il y a donc une profondeur de champ subtilement exploité, invitation à la prise de recul par rapport aux lieux communs proférés par un Rémy Girard, bucolique, drôle jusqu'au bout.

Alors il y a des scènes et des personnages inutiles. La compagne du fils, beauté sans relief ? Et sa visite dans les caves d'une église pour négocier des oeuvres que l'Eglise catholique veut dilapider ? Oui ? Oh j'imagine bien le sens métaphorique de la chose : mais quel intérêt ? Et le rapprochement amoureux du fils avec Marie-Josée Croze (elle, vraiment, magnifique, habitée, géniale !) ? Oui ? Et donc ? On le voit venir. Dommage, c'est tout aussi inutile vu la conclusion de l'idylle.

J'ai personnellement été flatté par l'écriture du film mais loin d'être subjugué par autre chose que la performance des acteurs et la qualité des dialogues, qui construisent entiers le film. La réalisation n'est pourtant pas absente de son sujet, opère des choix, dose son rythme. Mais objectivement le meilleur est ailleurs : il sait transmettre tout un spectre d'émotions, il est riche de son engagement et des coups d'oeil sur la société. Drogue, santé, police, enseignement, capitalisme, là aussi, c'est largement couvert. Le contenu est bien plus beau que le contenant, j'en conviens. Mais l'évocation permanente de la culture comme le miroir de l'existence est une réponse si savoureuse que le film se déguste avec légèreté ce qui, pour un film sur "La Vie" et "La Mort", est une qualité rare.
SAzu
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le 20 août 2013

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SAzu

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