Il est difficile de ne pas avoir de la sympathie pour ce film.


La problématique abordé dans ce film est généralement abordée avec misérabilisme et fatalisme, sans guère de critique, et c'est pourquoi elle est périlleuse. En équilibre entre comédie et critique sociale, Les insivibles aborde cependant un sujet difficile en nous autorisant à en rire, même lorsqu'il s'agit de prison ou de violences masculines. Il est difficile de ne pas s'esclaffer devant la toniturante Audrey Lamy qu'on avait déjà pu apprécier dans Coexister, et Son tandem avec Adolpha van Meerhaeghe ne laisse pas indifférent. On passe un agréable moment avec elles et les nombreuses autres femmes de ce film.

Malgré ces qualités, Les Invisibles donne souvent l'impression d'alterner avec étanchéité entre des moments de critique sociale et des moments de comédie. Pour ainsi dire, la critique que porte le réalisateur Louis-Julien Petit ne tient pas la durée, après un début sur les chapeaux de roue.


A la différence de Ken Loach qui ne décontextualise jamais la comédie du réalisme des situations dans lesquelles s'engagent ses personnages, les protagonistes semblent parfois trop lisses et désindexés des réalités dont ils sont supposés faire l'expérience, même s'ils ne sont pas dénués d'humanité. Les quelques scènes de querelles, avec notamment Julie (Sarah Suco), sont peu convaincantes et la narration laisse peu de place aux difficiles réalités de la rue. C'est pourquoi le film pêche sans doute par une forme de populisme, et on peut d'ailleurs remarquer que des problématiques comme celles addictions ou de la santé mentale soient éludées.
Les Invisibles donne ainsi l'impression d'être étiré entre une critique des politiques publiques en matière d'accès au logement, par ailleurs très bien documentée, et des personnages dont les personnalités sont souvent trop consensuelles, à force d'être épurées de toute aspérité. Sans doute que le primat de la comédie était nécessaire afin d'atteindre le grand public mais c'est ce qui nous déçoit, malgré des qualités évidentes.


Comme le documentaire-fiction Swagger qui est centré sur la jeunesse populaire des quartiers dits sensibles sans finalement dire grand chose de la jeunesse populaire de ces quartiers, Les Invisibles est film qui parle du sans-abrisme au féminin sans parler vraiment du sans-abrisme. Comme bien des films français, on regrette donc ce film en dise finalement assez peu de nous, de notre société, dans le temps présent, même si on peut parier que c'était sans doute une des ambitions du cinéaste. A l'aune de ces écueils, on peut mesurer la grandeur d'autres films autour des laissés-pour-comptes de la modernité, comme par exemple avec Kore Eda est son très subtile Une affaire de famille, en salle au même moment.

AntoineEK
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le 17 janv. 2019

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Antoine EK

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