Premier film parlant sonorisé par un procédé entièrement chinois, Les Malheurs de la Jeunesse est un véritable petit bijou. Le film commence dans un bureau, le directeur d'une école lit le journal et là il voit un article mentionnant la condamnation à mort d'un de ses anciens élèves avec qui il était très proche. Il appelle la prison dans laquelle il est détenu et demande à venir lui parler. Le directeur de la prison accepte et il se rend donc dans la prison où son ancien élève tombe en larme dans ses bras et commence à lui raconter comment il en est arrivé là. Un flashback s'amorce à l'aide d'un focus sur les barreaux de la prison et le film peut commencer. On revient donc à l'époque de la remise des diplômes où les élèves chantent en cœur un slogan nationaliste : « ... aujourd'hui nous sommes écoliers, demain nous serons les piliers de la nation ... » agrémenté de phrases comme : « nous sommes l'avenir du pays, chantons en cœur camarades ... »

C'est justement ce type de discours que le réalisateur critique à travers le film car si l'illusion est bien présente au début, la vie du personnage principal et de sa femme va devenir un cauchemar. Après avoir obtenu leur diplôme, tout se passe bien, le couple vit dans un grand appartement, la femme tricote gentiment chez elle pendant que le mari travaille et gagne très bien sa vie. Mais un jour, alors qu'il reçoit l'ordre de surcharger un bateau, ce qui pourrait causer un accident, il refuse et se voit obliger de donner sa démission. C'est là que va commencer la déchéance. Il part en quête d'un nouveau travail mais il se heurte à la dure réalité : pistonné, salaires de misères, marché du travail saturé ... Ne trouvant rien, lui et sa femme se voient dans l'obligation de déménager dans un plus petit appartement. Lui retrouve du boulot chez un de ses anciens camarades d'école et elle aussi de son coté trouve un travail de secrétaire mais son patron est quelque peu « entreprenant ».

Le cycle va se répéter et l'honnêteté du mari va encore lui faire défaut, tandis que sa femme est pas loin de se faire abuser. Sans boulot tous les deux, ils re-déménagent à nouveau dans un appartement encore plus petit. A chaque fois, la descente aux enfers est de plus en plus grande et plus le film avance plus le personnage a le visage marqué, les traits tirés, la barbe mal rasée. Il en va de même pour ses vêtements, au début très bien habillé et propre sur lui avec costume et chapeau pour finir finalement en t-shirt déchiré très sale avec les mains vraiment noires, causé par son travail à l'usine.

Pour accentuer cette descente, le réalisateur Ying Yunwei filme à chaque déménagement les pieds des personnages en train de descendre les escaliers, valises à la main, accompagné d'une petite musique. La réalisation est très soigné et le réalisateur expérimente pas mal de chose, rappelons tout de même que nous sommes en 1934. Par exemple, un split screen lors d'une conversation téléphonique entre le mari et sa femme, le plan commence avec la femme qui appelle l'écran se divise en 2 diagonales et fini sur le mari en train de raccrocher. Egalement de beaux effets comme lorsque le mari est en train de travailler et pense à sa femme en train d'accoucher, on voit en haut à droite de l'écran en superposition transparente sa femme allongée dans un lit en train de souffrir. Les effets de transition et les raccords sont aussi bien trouvés comme le zoom sur un caractère chinois dans une lettre qui se trouve au milieu et s'effrite en même temps pour libérer les 4 coins de l'écran. C'est donc bien maîtrisé avec beaucoup de travellings et plans séquences. Le jeu des acteurs est lui aussi à souligner, l'acteur principal est formidable, il est doté d'un charisme énorme et fait bien passer les émotions. L'actrice qui joue sa femme, bien qu'un niveau en dessous, joue très bien également.

Ici c'est donc toute la société chinoise dans son ensemble qui est critiquée et l'univers décrit dans le film, notamment pour ce qui est du marché du travail, est parfaitement transposable à notre époque. Rien n'est épargné et le film est vraiment d'une noirceur extrême. La dernière partie est vraiment très poignante et émouvante, quant au plan final de la photo qui tombe des mains du directeur accompagné du générique de fin où le chant de la remise des diplômes est repris, il est vraiment magnifique.

Un vrai petit bijou à voir absolument si vous en avez l'occasion !
Ryo_Saeba
9
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le 2 oct. 2010

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Ryo_Saeba

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