Peut-on continuer à s’aimer pendant la guerre ? Peut-on continuer à être pacifiste ? Peut-on réparer ses erreurs ? Julio, jeune playboy qui profite allégrement de la vie, va être confronté à ces interrogations sous l’occupation allemande de la capitale.

« O France ! De quelles nuances s’entoure le déshonneur ! »

Le mari de Marguerite apprend avec déchirement que sa femme l’a trompé depuis le début ; lui, porteur de la protestation et de la résistance, se voit rejeté par sa femme qui lui préfère Julio. Il est si facile de privilégier sécurité et amour, servis dans un écrin de velours plutôt que de rejoindre les combattants dans un contexte de guerre.

Comme pour Julio, un déni de la réalité s’est emparé d’une partie de la population qui collabore ou tout au moins supporte la présence allemande. Versailles, lieu de promenade du couple, apparaît comme un écrin, bien loin de la dure réalité du quotidien. Le peuple avait beau gronder, loin de Paris, le roi et sa cour ne pouvaient l’entendre. Julio prend lui aussi cette même attitude et ce n’est que bien plus tard qu’il réalise à quel point son comportement a été puéril et irresponsable. La couleur rouge de l’appartement de Julio en est l’illustration. Le rouge du sang et du drapeau nazi coule déjà dans ses veines alors qu’il se veut neutre. On ne peut résister indéfiniment au conflit.

L’homme est tiraillé entre aspiration et réalité, entre le confort et le péril de perdre la vie. Tout n’est qu’une question de choix : peut-on continuer à vivre dans un juste milieu qui est très satisfaisant car peu contraignant ? Julio est pris dans un conflit intérieur, il peut céder, choisir la facilité et continuer à se vautrer dans le luxe ou bien résister. Une prise de conscience s’opère en lui. Pour garder son amour, il est prêt à tous les sacrifices. Marguerite Laurier ne peut quitter complètement son mari qui lui est actif au sein de la Résistance.


La partition familiale

Le grand père meurt de dépit devant le reniement de son petit-fils qui embrasse la cause nazi. La perte du repère paternel, qui est là pour raisonner la jeunesse, illustre la fin d’une époque, celle de l’insouciance. Les relations familiales évoluent à mesure que les destins de chacun s’écartent. La famille dépasse le cadre du conflit. Le déchirement au sein de la famille représente le déchirement du monde. Chacun des personnages connaît la souffrance, qu’elle soit sentimentale ou physique. Marguerite doit faire un choix entre la personne aimée et le mari. Mais ce choix semble déjà dépassé.


« Maudit soit Madariaga ! »

Julio est interrogé par son cousin sur les raisons de son engagement. Il lui répond : « Tu as envié mon indépendance ? On ne peut plus être indépendant. » Il est trop tard pour se rendre compte ; le côté inévitable du conflit apparaît déjà. Le temps de la paix est révolu ; Julio, comme son grand père, a vécu dans l’insouciance, le bonheur simple du quotidien. Avant de mourir, le grand père lâche dans un dernier soupir le nom de cet homme, Salvador de Madariaga, pacifiste espagnol, qui n’a pu prévenir le conflit.

De très bons fondus enchainés se succèdent tout au long du film : des images de guerre, de destruction viennent se superposer. Dans le restaurant, Julio reste suspendu, sa vision se trouble et derrière la joie qui l’entoure, il distingue les bombes et les morts.

On voit toute l’importance capitale des quatre cavaliers de l’Apocalypse qui annoncent le conflit. Ces quatre cavaliers reviennent en permanence. D’abord simples objets de décoration évoquée autour de la cheminée, ils prennent rapidement une dimension divine : on les voit chevaucher entre les nuages. La conquête, la guerre, la pestilence, la mort.
« Le pouvoir leur fut donné sur le quart de la terre, pour faire périr les hommes par l'épée, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages de la terre. »
FrançoisLP
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le 27 avr. 2014

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FrançoisLP

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