Les sentiers de l'apprentissage par le moyen pathologique

Pour me motiver à réaliser cette critique, je suis parti du constat inhabituel auquel je viens d'être confronté. Souvent, je pars de film mauvais, ou tout justes potables afin d'élargir un peu le champ de connaissances que j'absorbe, mais aussi que je partage sur mon SC. Comme une sorte d'"apprentissage retransmis", j'essaie tant bien que mal d'extérioriser ma passion, négative comme positive, et d'en produire un raisonnement décrivant le plus objectivement possible ce que le spectateur lambda s'apprête à vivre. C'est dans cette veine que "Les sentiers de la haine" (LSDLH), un western spaghetti comme tant d'autres, m'a inspiré un sujet que je n'avais jamais abordé. Ce sujet est ce que nous pourrions nommer le neutre pathologique. Ce phénomène, c'est ce que nous ressentons quand nous finissons un film avec l'intime conviction que vous n'avez pas aimé, mais que vous êtes incapable de comprendre le pourquoi. Nous sommes bloqués dans ce statut paradoxal du par exemple " je n'ai pas aimé les dialogues trop simplistes, pourtant, j'ai quand même apprécié les échanges entre le mec et sa meuf". Par logique, nous pourrions dire qu'un film qui met dans cette posture un spectateur devrait être par essence un mauvais film, mais... face à tant navets et d'échecs beaucoup plus retentissant, il est pertinent de dire que la justice serait de ne pas les confondre. Ainsi, dans cette dynamique, j'ai tenté de faire le feedback de LSDLH avec une difficulté plutôt surprenante.


Le scénario est plutôt simpliste, une sorte de Roméo et Juliette, mais dans le crottin et les plumes, 2 familles diamétralement opposées qui se détestent, mais ici sous la forme de bûcherons businessmen blancs contre des cherokees très pauvres en vue de leur nombre par rapport à la taille de leur village. En bon blanc de cette époque, tout est mis en scène pour traduire l'envie qu'ont les cow-boys de faire déguerpir les peaux-rouges de leurs terres pour récupérer leurs forêts et encaisser le pactole en répondant à une commande exceptionnelle en bois. Un crime par l'appât du gain très classique finalement, malgré les pirouettes scénaristiques mises en scène pour tenter d'introduire notre Roméo indien principal comme leader des droits de son peuple. En suivra un enfermement en prison, puis une sorte de vengeance qui se terminera par un abandon des blancs et un départ vers la frontière accompagnée de sa Juliette. La mise en scène quant à elle ne fait pas l'unanimité, nous passons de cadres intéressants aux plus inutiles et brouillons. La bataille finale est d'une lenteur abyssale avec en plus des plans recyclés de l'Indien qui tire ce qui rend l'ensemble de la scène particulièrement difficile à prendre au sérieux. Les personnages sont des clichés, notre Indien, naturellement gentil par essence, est le seul personnage développé. Et si nous pouvions nous attendre à avoir une Juliette déterminée à vivre sa vie, être marquante dans sa posture et follement amoureuse, nous serons bien déçu de voir finalement une version éco +, une Julia qui baisse trop rapidement les bras, peu développée dans son personnage et surtout profondément inutile au récit. Elle est finalement ce que les anglophones appellent le Love-interess de l'indien pour le motiver à agir d'une telle manière et pas une autre.


À ce moment, vous pourriez me dire que s'il n'y a pas de qualité technique, pas de dialogues fous, pas de personnages intéressants et encore moins un scénario inédit, pourquoi ne pas dire que c'est un raté pour rester poli. Et bien finalement, on ne sait pas pour quelle raison, nous nous attachons à notre Indien victime. En effet, malgré un scénario nous vendant un amour entre le Jésus Peau rouge et une bourge bête à manger du foin, nous avons quand même envie que ça se finisse bien pour eux. Nous voudrions mieux certes, mais le film reste sur ses 2 jambes, nous donne des scènes d'actions potables sans extravagance bien sûr et des décors-là aussi corrects car très peu exploités... Bref, un film moyen qui permet de dire que c'est toujours mieux de le regarder plutôt qu'une prod claquée Netflix moderne. Nous sommes naturellement sur notre faim avec ce film, mais il a de l'idée comme beaucoup de Western du genre de cette période.


Il est de ce fait pertinent pour moi de conclure que, dans un mouvement artistique, il y a du bon comme du moins bon et du mauvais, et pour ainsi dire, si on ne connaît pas le mauvais, on aura très largement du mal à voir le magnifique et inversement.


LSDLH est donc en soit notable, il montre de tout avec de bonnes ou mauvaises méthodes ; nous pouvons le classer dans les films oubliables certes, mais aussi dans la case d'apprentissage, de quoi se forger une bonne culture notamment dans la méthode de développement des personnages et des liens amoureux. Car pour créer une relation amoureuse à laquelle on croit, il aurait été pertinent d'au moins savoir pourquoi ... ou même comment ... Le neutre pathologique a donc un remède. En plus de se remémorer le bon ou le moins bon dont nous avons été victimes, il est constructif de produire comme ici une petite synthèse et de retourner voir un film du genre dont la qualité n'est plus à prouver pour comparer. De la douleur visuelle vient alors de l'intériorisation d'un constat et ainsi d'un nouveau savoir, une catharsis des plus plaisantes pour la suite.


21rems10
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le 19 mai 2023

Critique lue 38 fois

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