Dernier film muet de Chaplin et ultime apparition de Charlot, Les Temps Modernes laisse déjà transparaître l'humour dénonciateur qui nourrira Le Dictateur quatre ans plus tard. En effet, Les Temps Modernes se veut avant tout être une critique de l'hyper-industrialisation, et du stress généré par le travail à la chaîne chez les ouvriers.
Parallèlement à l'ouvrier dépressif incarné par Chaplin, une jeune femme voleuse, sans argent ni domicile, errera sans but, du moins tant qu'elle n'aura pas trouvé notre protagoniste principal. Ce duo, plein d'espoir et de vigueur, fonctionne à merveille, tant Chaplin est drôle et Paulette Goddard rayonnante et expressive. Deux personnages bons vivants, contrastant avec le contexte de la Grande Dépression.
Chaplin a la légitimité, de par sa vie personnelle, de représenter la pauvreté. Il a en effet connu la mort et la débauche durant sa jeunesse, et le voir incarner ce personnage naïf et comique est alors très inspirant, d'autant plus qu'il nous propose une fin optimiste.
Les propos politiques de Les Temps Modernes sont plutôt osés pour l'époque ; en plus dénoncer les pratiques industrielles et de tolérer le vol salutaire, il va jusqu'à représenter d'autres aspects de la débauche, comme l'ivresse (heureusement le film sort après la Prohibition) et surtout la prise de drogues, en plein code Hays. Chaplin portait ses couilles, et il le fera à nouveau - dans de toutes autres proportions et dans un contexte différent - avec Le Dictateur.
Mais ce qui rend ses propos puissants, ce n'est pas tant le culot que l'humour, le comique de situation qu'engendrent les situations dénoncées. Le personnage principal s'essaie à différentes professions (ouvrier, gardien de nuit, mécanicien, serveur), montrant ainsi l'importance de trouver un travail à cette époque, et permettant toutes sortes de gags et cabrioles diverses. Si la deuxième partie est à mon goût un peu plus faible, certains gags devenant redondants (notamment ceux basés sur un comique de répétition), le film dans son entièreté témoigne d'une forte inventivité.
Dans son Charlot toujours muet (mais chantant en grommelot), Chaplin nous offre une peinture représentative et dénonciatrice des dérives des temps modernes. D'ailleurs, bien qu'ayant plus de 80 ans, le film est toujours d'actualité.