En adaptant fidèlement la pièce d'Euripide, Michael Cacoyannis réalise un film âpre, dépouillé, qui évite toute surcharge pour laisser place à l'essentiel : le destin des femmes après la guerre. Quatre portraits de femmes qui prendront le même chemin : la mer. Quatre visage de la douleur.
La force du film tient principalement à ses interprètes féminines, notamment Katharine Hepburn. Le jeu à la fois théâtrale et se déroulant sur une seule journée, permet de passer d'un portrait à l'autre tout en ayant en commun et comme fil conducteur les yeux d'Hécube, la reine de Troie qui observe sa ville se détruire. Tout abord en observant sa fille Cassandre, en pleine crise de délire, être emmenée par Agamemnon, avant de ressentir la douleur de sa belle-fille Andromaque, esclave du fils d'Achille, apprenant que son autre fille a été brûlée vive sur la tombe de ce dernier, puis en affrontant le regard d'Hélène, qu'elle considère comme la véritable responsable de cette guerre. Le film se termine sur la mort du fils d'Andromaque, Hécube a tout juste le temps de l'enterrer quand le reste des ruines est incendié.
Le film est intemporel, universel. Chaque destin de femmes, à travers notre histoire, se retrouve en Hécube, Hélène, Andromaque et Cassandre. Le film est sombre, pessimiste mais tout comme peut l'être un lendemain d'une importante défaite. Le film ne se présente pas comme à charge des grecs mais présente l'ambivalence des vainqueurs, la haine qui a augmenté pendant ses dix ans de guerre et surtout, ici, les femmes troyennes représentent toutes les femmes. Quelles soient troyennes, d'une autre nationalité, qu'importe l'époque, les femmes sont les premières victimes collatérales des combats d'hommes.
Le film gagne à être découvert. Rare film à s'intéresser à l'après Troie du point de vue des troyens, au-delà de l'Odyssée, au-delà de la chute des guerriers grecs. Ici, on parlera de celles qu'on ne nomme plus comme Hécube, ou que l'on oublie qu'elles viennent de la ville de Troie comme Andromaque. Celles qui donneront naissance à l'écriture de nos plus belles tragédie théâtrales, en y apportant une touche moderne grâce à l'introduction très efficace et à son cortège final qui font de ce film bien plus qu'une adaptation d'une tragédie théâtrale ou d'un fait mythologique.