Malgré les égarements de la mémoire, le destin vient toujours rattraper les erreurs du passé. Avec Logan, les super héros n’en sont plus, s’affichent comme des icônes de comics qui mentent sur la réalité, sont de vulgaires fugitifs vivant dans des châteaux d’eau arides, des immigrants invisibles qui n’attendent qu’une chose : être délivrés par la mort. A la frontière mexicaine qui s’apparente à un univers post apocalyptique où l’Amérique s’empile dans les ruines et le sable, la mort qui les attend n’est pas celle qui sent le devoir accompli, non, elle pue la culpabilité, la fatigue de la recherche d’un soi-même, de la quête d’une conscience humaine disparue.


En 2029, l’époque du film, on ne parle plus de mutants. C’est une espèce qui s’éteint et il n’est plus question de sauver un monde qui ne veut pas d’eux. Le titre du film est évocateur, Logan : Wolverine n’existe plus et les X-Men non plus, il est seul, décharné par le temps et l’envie d’en finir se fait omniprésente. De cette fatigue, une déliquescence, une amertume poisseuse et dépressive envenime le dernier film de James Mangold. Qu’on se le dise, Logan n’est pas un film de super héros.


Les pouvoirs feront gicler un torrent de sang sur l’écran, mais les costumes resteront au placard. La violence intérieure des personnages se montrera viscérale et sans concession : dès la première séquence, la rage surgit, la bestialité s’accroit et la fureur s’abat. Mais alors que Logan n’est devenu qu’un simple chauffeur anecdotique qui gagne de l’argent pour acheter des cachetons à un professeur Xavier mourant et sénile, il va devoir sauver une gamine aussi muette qu’animale des griffes d’une organisation gouvernementale.


A partir de ce postulat, Logan tire les ficelles de son récit presque politisé et construit un univers protéiforme, violent et qui au fil des minutes devient un melting pot de différents genres cinématographiques : road movie, drame, post apocalyptique, western ou horreur, le film de James Mangold dévoile beaucoup de cordes à son arc et écarte d’un revers de main tous les défauts récurrents des films de super héros récents comme celui de n’être qu’un « épisode de série » sans cadre personnel.


Logan est autonome, est un vrai grand film, une fuite en avant décomplexée qui aménage ses effets avec harmonie pour atteindre la sève de son intrigue : le questionnement des uns et des autres et surtout leur interrogation sur leur appartenance ou non à une famille. Logan n’est pas un blockbuster comme peut l’être la série des Fast and Furious qui crie avec la subtilité d’un éléphant leur attachement pour la famille mais délivre un vrai message sur l’éducation ou la transmission.


Dans Logan, cette dernière, est une victoire qui se gagne sur le chemin de la rédemption, c’est un bonheur indicible qui semble inatteignable. Et malgré la culpabilité, le sang qui coule sur les mains de tous les protagonistes, elle est ouverte à tous : il suffit juste de le comprendre. Et là où Logan prend les allures d’un road movie mortifère, cette thématique se sublime par un chemin de croix sacrificiel émouvant. James Mangold emporte le magot autant sur le fond que sur la forme entre assemblant son film entre scènes d’actions carnassières et moments d’apaisement introspectifs.


Si la mise en scène parait parfois impersonnelle malgré sa belle photo, l’iconisation est palpable et surtout Logan ébouriffe par la violence de ses coups : Logan tranche dans le vif, détruit tout ce qui bouge, des têtes et des bras déchiquetés tomberont par dizaines dans un montage au cordeau. Rarement un film de super héros n’aura autant montré une violence sanguinolente aussi sèche et malaisante. Alors que dans Deadpool, le gore pouvait paraitre comme une arme à gimmick, le film de James Mangold ne tombe pas dans le piège de l’effet de style de trop, tant la cohérence va de soi entre la haine psychique des personnages et leur animalité physique.


Le plus fascinant dans tout cela, est l’osmose entre l’empathie que l’on peut avoir pour les personnages et le lien qui les unit, notamment entre Logan et Laura, avec la sauvagerie visuelle du film. Malgré sa férocité, son envie prégnante d’absoudre Logan en tant qu’icone mémorielle et d’enlever les chaines de ses personnages notamment à travers une jeunesse mutante, Logan est un film profondément pessimiste qui se matérialise à la fois par la mélancolie presque suicidaire d’anciens super héros et cet espoir venu d’une jeunesse torturée et esseulée.


Logan est un road movie aussi lancinant que terrifiant retranchant l’individualité dans le collectif et qui voit sans complaisance, l’enfance et sa subversion comme une immersion malade dans le monde adulte comme en témoignait Hit Girl dans Kick Ass : ce mimétisme animal et l’instinct de protection par la violence dans un monde où l’humanité n’est pas celle que l’on croit.

Velvetman
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le 5 mars 2017

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