David Farr s’empare des obsessions hitchcockiennes et les transpose dans le milieu bourgeois londonien. La ligne directrice de London house est ainsi le sentiment de culpabilité croissante d’une innocente faussement accusée qui la fait peu à peu sombrer dans une paranoïa remettant en cause les fondements de son identité. L’atmosphère d’inquiétante étrangeté qu’instille le réalisateur londonien pour retranscrire ce vertige de l’incertitude rappelle celle qu’Emmanuel Carrère avait cultivée dans La moustache, film dans lequel Vincent Lindon était seul à se souvenir d’avoir un jour porté une moustache et que les dénégations de ses proches entraînaient dans les abîmes de la folie. De la même manière dans London house, l’absence de soutien de l’entourage oblige la femme jouée par Clémence Poésy (avec l’opiniâtreté froide qu’il fallait) à s’accrocher becs et ongles à sa version des faits tout en affrontant un doute de plus en plus oppressant quant à sa santé mentale. La fausse coupable devient alors obsédée par la quête de preuves de sa lucidité, obsession qui la pousse paradoxalement à adopter des conduites déplacées qui confirment aux yeux des autres son dérangement.


Parmi les nombreux films du maître du suspense, London house fait plus particulièrement écho à Vertigo. Clémence Poésy, magnétisée du haut de sa fenêtre sur jardin par les agissements suspects de sa voisine aux contours sculpturaux, évoque James Stewart tentant de ne pas perdre du regard la belle Madeleine, tandis qu’à Laura Birn échoit la partition de Kim Novak, dans le rôle de la femme dont l’identité est totalement dépendante du désir des autres. Suivant les pas de son génial inspirateur, David Farr montre bien à travers son personnage de blonde platine normopathe le profond désespoir qui sous-tend les jeunes femmes qui savent qu’elles ne sont pas aimées pour elles-mêmes mais pour leur ressemblance à un canon préétabli. En poussant plus loin l’analyse, on peut même dire qu’il propose une variation originale, et particulièrement glaçante, de la démonstration qu’avait déjà brillamment conduite Hitchcock : l’obstination à plier le réel à son désir engendre des monstres.

etsecla
6
Écrit par

Créée

le 1 août 2019

Critique lue 188 fois

1 j'aime

etsecla

Écrit par

Critique lue 188 fois

1

D'autres avis sur London House

London House
Elisariel
8

Vue plongeante

Comme une pièce de théâtre scindée en deux tableaux. Huis clos avec vue sur un jardin qui a tout de factice, trop vert, trop bien entretenu, pratiquement plastifié, comme la chaise longue jaune...

le 26 sept. 2017

4 j'aime

London House
Fatpooper
5

Le bébé de Kate

Je suppose que les fan de "Rosemary's baby" vont apprécier ce film. Ou au contraire le détester... Parce que bon, blague à part, le réalisateur est clairement un gros fan de ce film qui est LA grosse...

le 29 sept. 2016

4 j'aime

3

London House
easy2fly
3

Fenêtre sur jardin presque parfait

Après une belle période cinématographiques avec des sorties stimulantes, nous entrons dans une ère de relative accalmie. C'est dans ce contexte, que je tente London House. Le film sort discrètement...

le 25 mars 2017

2 j'aime

Du même critique

The Cakemaker
etsecla
7

L'eau à la bouche

Thomas (Tim Kalkhof), pâtissier résidant à Berlin, s’éprend d’Oren (Roy Miller), un homme marié vivant avec femme et fils à Jérusalem, lors du passage de celui-ci dans la capitale allemande pour une...

le 7 mai 2021

4 j'aime

2

À voix haute - La force de la parole
etsecla
8

Eloquentia

A voix haute ne se raconte pas. Il se vit. Si le documentaire est à ce point une expérience viscérale, c’est qu’avant de terminer en point d’orgue sur les médusantes performances des candidats lors...

le 23 mai 2020

3 j'aime

2

Wallace et Gromit - Rasé de près
etsecla
7

Indémodelable

Après avoir rassemblé les deux premiers court-métrages des aventures de Wallace & Gromit dans Les inventuriers, le distributeur Folimage nous propose cette fois-ci de (re)découvrir le troisième...

le 24 avr. 2020

3 j'aime