Love Actually par Julie_D
Entre son casting hallucinant (Alan Rickman, Emma Thompson, Liam Nesson, Laura Linney) l'universalité de ses thèmes (l'amour, noël) et la renommée de son réalisateur (à qui on ne dit pas non depuis Quatre mariages et un enterrement) le succès public de Love Actually était assuré de toute façon, et le film aurait donc pu se contenter de n'être que l'adéquation de ces trois éléments.
Pourtant il n'en est rien. Peut-être par volonté de pouvoir ensuite se détacher du genre, Richard Curtis exploite en deux heures un matériau dont on aurait pu tirer cinq, dix films, ce sans conduire à l'indigestion ni survoler l'ensemble. Non, l'ensemble prend et fonctionne comme une mécanique bien huilée, nourrie par un scénario maîtrisé et surtout une totale sincérité d'un bout à l'autre.
Curtis choisit en effet d'ouvrir son film sur deux scènes donnant d'emblée le ton et le traitement de ses deux thèmes. L'amour tout d'abord : l'ouverture dans l'aéroport nous informe de suite que l'amour ne se limitera pas ici à la romance, il prend des formes multiples et variées justifiant le choix d'un film choral pour mieux en exploiter les différentes incarnations. Noël ensuite : en enchainant directement sur le personnage de Bill Nighy remaniant un vieux tube pour en faire un « christmas carol » Curtis expose sa tragi-comique lucidité : oui, noël est aussi une grosse machine à consommer, mais que chacun soit libre d'y prendre ce qu'il veut.
Et le film fonctionne finalement sur ce principe. Tout le monde ne vibrera pas forcément à toutes les histoires, mais les fils savamment noués et le temps d'écran de chacune, bien équilibré devraient garantir à tout être humain d'être touché par au moins une storyline ou deux. Peut-être s'en trouvera-t-il même pour être sensible à l'ensemble, toujours caractérisé par une justesse de ton qui gomme les facilités scénaristiques voire les transcende. Oui l'intrigue de Colin est totalement loufoque, mais la réalisation et le traitement l'assume complètement, oui le comportement du premier ministre est surréaliste, mais son interprétation fait qu'on sait bien qu'on ne se moque pas ici du spectateur : on l'invite plutôt à jouer le jeu, à s'y laisse prendre. Quant à l'histoire de l'écrivain, elle demeure peut-être la plus symbolique de l'ensemble, la plus représentative d'une idée universelle du romantisme et de l'amour auquel les barrières du langage ne font pas obstacle.
Pas la peine donc de s'étendre sur les prestations formidables de l'ensemble du casting, la b.o. des plus délicieuses (difficile de ne pas vibrer sur la si touchante reprise d'All You Need is Love) et la caméra qui donne envie de (re)visiter Londres en hiver, heureux bonus autour d'une galerie de personnages toujours très humains : c'est la réussite scénaristique qui porte le tout. Les variations d'histoires et de ton dessinent ainsi une sorte de montagne russe émotionnelle, mais légère, ne donnant jamais la nausée. Car Curtis a le bon gout de ne pas donner dans le larmoyant lorsqu'il s'agit de raconter quelque chose de triste (les histoires de Daniel, Sarah, Karen, tout en pudeur) ni dans la surenchère pour nous faire rire, préférant des dialogues ciselées, des personnages hauts en couleur (Billy Mack pour n'en citer qu'un) et un humour british à un comique de situation facile (même l'intrigue des doublures de film porno est tout en finesse).
Pas de guimauve donc, mais un film tout de même savoureux qui assume sa légèreté, pur plaisir de cinéma et de storytelling dans l'absolu, dont il me parait difficile de sortir sans un grand sourire. Si la période Noël sublime certes le tout, reste que les qualités intrinsèques de Love Actually demeurent au-delà du mois de décembre. Après tout, il n'y a pas de saison pour se rappeler ce qui demeure finalement une vérité universelle. Et quand la chose est si joliment dite, peu importe que ce soit un cliché.