C’est difficile de trouver des bons biopics. Alors quand Oren Moverman, le scénariste d'I’m Not There de Todd Haynes (biopic sur Bob Dylan) travaille sur le biopic d’un des génies musical du XXe siècle, je ne pouvais qu’être intrigué même si en soi je ne connais pas vraiment les Beach Boys. On ne peut d’ailleurs que sentir sa patte avec l’utilisation de deux interprètes (Paul Dano et John Cusack, tous deux excellents) pour jouer le même rôle, et avec un montage alternant l’époque des Beach Boys en tant que groupe et une vingtaine ou trentaine d’années plus tard (à vrai dire on en a aucune idée).


Un film de montage, Love and Mercy en est assurément un. Un montage narratif d’abord, le film étant un peu construit à la manière de Blue Valentine. Sauf qu’ici n’est pas montré d’un côté son "bonheur" et de l’autre son "malheur" mais plutôt la mise en relation d’une double progression dramatique et psychologique. Nous voyons ainsi Brian Wilson évoluer dans deux contextes différents : l’un par rapport à sa famille et son groupe, l’autre par rapport à sa "retraite" aux contacts d’un docteur tyrannique et d’une femme qu’il vient de rencontrer. Et dans les deux cas bien sûr, son génie musical et ses névroses.


La force du montage est que l’on comprend le personnage sans pour autant savoir ce qu’il s’est passé entre les deux époques, la confrontation de sa jeunesse et sa "vieillesse" et le talent des comédiens permettant également une empathie très forte avec Brian. Je m’attendais d’ailleurs à ce que le film se termine sur ce point de non-retour caché des non-connaisseurs du groupe, mais finalement cela aurait déplacé le message mélancolique et amoureux du film vers un sensationnalisme grossier.


Car Love and Mercy est avant tout une déclaration d’amour passionnée à la création musicale et au génie qu’est Brian Wilson. Une déclaration faite principalement par le mixage sonore du film, vraiment innovant. Mélange chaotiquement harmonieux de sons hallucinatoires et d’extraits de morceaux, la composition d’Atticus Ross permet une figuration très intéressante du "génie créatif", où les sons et les voix qu’entend Brian Wilson dans sa tête sont littéralement entendus par le spectateur.


A ce niveau-là, on ne peut pas dire que le film reste sobre, mais ce parti pris rare dans les biopics atteint ici une justesse, une honnêteté face au personnage qui est magnifique et inattendue. Jamais ce qui est montré à l’écran n’est complaisant ou voyeur. Pas même le générique de fin, d’habitude grossièrement tire-larme et banal dans les biopics, mais qui ici m’a fait pleurer par son respect et sa cohérence avec le message du film. Et sa beauté aussi tout simplement, ultime preuve du talent du héros de Love and Mercy.


Au final, contrairement au récent Franck, qui faisait intervenir un personnage extérieur pour mythifier le génie musical, ici on ne s’en est rarement senti aussi proche.


P.S. : Et dire que j'avais mis que 6 à Pet Sounds !

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le 7 juil. 2015

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Antofisherb

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