A la fois pompeux et grandiose
Éric Rohmer j'aime beaucoup. Il est selon moi un des plus grands cinéastes français. Faisant partie comme Truffaut, Godard ou Chabrol de la Nouvelle Vague, il aime à dépeindre les sentiments par une approche singulière des personnages, en y apportant un caractère intellectualisant.
Ma nuit chez Maud est le troisième volet des 'Six contes moraux' de Rohmer, s'étalant de 1962 à 1972. Il est question de religion, philosophie et mathématiques. Les trois sont imbriqués et ne se dissocient jamais. En effet, le penseur au centre du film est Blaise Pascal qui est une figure emblématique de la philosophie et des mathématiques dans la France du XVIIè siècle. Le clin d’œil du film est qu'il se déroule à Clermont-Ferrand, et justement Pascal est né dans cette ville.
Les discussions vont bon train concernant l'engagement, le mariage, la foi ainsi que le hasard des rencontres. Jean-Louis (Jean-Louis Trintignant) est un fervent catholique et a beaucoup de principes. Un jour à l'église il voit Françoise (Marie-Christine Barrault) et s'en éprend. Dans le même temps il revoit (par hasard) un ancien camarade de lycée (Vidal) qui l'emmène chez une amie à lui, Maud (Françoise Fabian). S'en suit une longue soirée où chacun discute de la place de la religion dans les rapports humains, de sa validité (cf. les Jansénistes et les Jésuites dans le film), mais également de probabilités de rencontrer telle ou telle personne.
Jean-Louis estime que la prédestination détermine les actes futurs. Que chacun a son destin. A contrario, Maud estime qu'il faut se détacher de cette idée déiste et plutôt s'attacher à suivre son cœur et ses envies. Dès lors le débat devient sourd. Même si les deux personnages apportent l'un l'autre des arguments, chacun campe sur ses positions; surtout Jean-Louis qui tout au long du film, s'évertue à se positionner avec une attitude quelque peu condescendante vis-à-vis de Maud. Un jeu du chat et de la souris s'y mêle pour compliquer les choses. Jean-Louis a toujours cette Françoise dans la tête mais Maud ne lui semble pas indifférente. Ses principes le conduisent à se refuser à elle, d'autant plus qu'il est persuadé que la jolie blonde Françoise deviendra sa femme (ce qui se confirmera par la suite).
Mais ce Jean-Louis bouffe à toutes les écuelles malgré ses airs de fervent catho et son phrasé très léché. Il sort les mêmes répliques à l'une et à l'autre à quelques heures d'intervalle. Le Don Juan feutré qui aimerait finalement bien se taper les deux (pour faire un raccourci). Je le comprends car, et Maud et Françoise sont de belles femmes.
Finalement sont-ce ses principes ou son cœur qui l'ont conduit à séduire Françoise et l'épouser ? Ou bien une prédestination due à ses croyances religieuses ?
Mon avis sur le film: les personnages jouent très bien leurs rôles, trop bien même parfois oserais-je dire. En effet, je trouve que la rhétorique est complexe (est-ce là un élément de la Nouvelle Vague Française ?), les sujets abordés sont souvent traités avec un intellectualisme poussé et revêche. Ça frise par moments le surjeu et la récitation théâtrale.
Cependant il est intéressant de voir la manière avec laquelle Rohmer réussit à nous plonger dans un univers complexe entre hommes et femmes, entre désirs, pulsions et raison, entre principes religieux exacerbés et pensée mathématique pascalienne.
Ainsi il m'est très difficile de juger pertinemment ce film. C'est pourquoi je ne lui donnerai pas de note (j'ai mis 7 car il est impossible d'écrire quelque chose ici sans être obligé de mettre une note, et celle-ci me paraissait 'correcte') car je ne sais absolument pas quoi en penser au final. Il m'est autant agréable que détestable. Comme le fameux rapport dichotomique entre passion et raison.
Et le fait de devoir rentrer dans un manichéisme "morale vs désir", me pousse à m'abstenir.
La question du hasard se retrouve souvent dans l’œuvre de Éric Rohmer. Dans Ma nuit chez Maud, elle se présente plusieurs fois (rencontre avec Vidal, Françoise à l’Église et Maud) et nous laisse penser que le hasard serait probablement la meilleure chose qu'un être humain puisse avoir afin d'avoir des rapports beaucoup plus naturels avec ses semblables.
Film troublant.