Ne jamais s'exciter sur un bon horoscope. Surtout si ce sont trois gueuses à l'air louche qui te l'annoncent, et en propos bien cryptiques pour couronner le tout.


Kurzel nous plonge dans des brouillards ultra photogéniques, des ciels chaotiques à ne pas mettre un guerrier picte dehors, au milieu de ces crêtes majestueusement lugubres. Comme s'il avait craint que les véritables landes et vallons autour d'Inverness apparaissent trop modestes pour une histoire pareille. On a le droit de trouver ça too much, ça l'est, mais j'ai adhéré car ce décor légèrement dopé épouse finalement bien la dimension mythologique et légendaire de Macbeth. A histoire grandiloquente, cadre grandiloquent.


Ce texte riche, théâtral, donne bien sûr une résonnance solennelle aux mots et aux actes des personnages. Pour autant, je ne peux pas dire que leurs destins m'ont ému ou pris aux tripes. Est-ce parce qu'ils sont à proprement parler écrits d'avance, et que le caractère inéluctable de la prophétie nous détache d'eux ? Est-ce parce que ce sont les plus gros dégueulasses que l'Ecosse ai jamais porté (avec le psychopathe qui a inventé la cornemuse) ?
Le jeu des acteurs n'est pas en cause en tout cas. J'ai trouvé Fassbender et Cotillard à l'aise dans la rythmique du texte, le langage corporel, et pour avoir regardé des extraits de versions théâtrales célèbres de la pièce, avec Judi Dench et autres, le surjeu est bien plus du côté des comédiens classiques.


Je crois en fait que c'est cette théâtralité qui est à double-tranchant. Elle amplifie les effets mais cette prose complexe a aussi son côté empesé, en décalage avec les codes du cinéma. Résultat, l'impression parfois de voir des figures symboliques plutôt que de véritables êtres humains. Autre chose : je ne sais pas si c'est dû à la pièce - courte pour les standards shakespearien - ou plus sûrement à des coupes de la part de Kurzel, mais les différents actes m'ont semblé égrenés de façon assez mécanique. Je devine des ellipses qui enlèvent de la subtilité à l'ensemble, et le texte a beau permettre aux personnages d'exprimer leurs tourments, le tout manque parfois d'illustration, de matière donnant corps aux mots.


En parlant de figures symboliques, j'ai plutôt apprécié la sobriété des trois sorcières, présences spectrales qui teintent cette tragédie de fantastique. Elles sont minimalistes mais au moins on évite la sorcière de fête foraine, et Christophe Lambert en kilt et à tignasse peut garder son titre de truc le plus vilain jamais vu dans les Highlands.


Pas convaincu par la dernière partie malheureusement. Je trouve la relecture de la forêt de Birnam atteignant Dunsinane intéressante dans l'idée, mais trop chargée visuellement.


Ce final rougeoyant, sur-esthétisé, créé une atmosphère qui ne convient pas à la chute de cet homme. Qui ne convient pas surtout à l'effroi qu'il doit ressentir en comprenant que l'augure ne le protégeait pas. La forme parasite le fond.


(Dans l'absolu, je suppute que cramer une forêt qui offre une solution de repli est assez con quand tu te prépares à assiéger une place forte, mais en même temps il faut être bien murgé au Glenfiddich pour s'accrocher trois brindilles aux bras en pensant que tu vas passer pour un arbre (tactique de la pièce d'origine)).


Je finis donc le film avec une impression mitigée, celle d'une certaine fascination de départ qui n'embarque qu'à moitié dans son sillage. Avec un paradoxe : les gens qui ont adoré semblent avoir été surtout bluffés par sa beauté visuelle et son ambiance épique, là où un Macbeth vraiment réussi devrait d'abord marquer par sa dimension psychologique, intime j'ai envie de dire. Reste pour moi une oeuvre qui en fout plein les yeux, mais inégale lorsqu'il s'agit de faire ressentir la complexe âme torturée du couple royal.

VilCoyote
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes J'aurais bien vu Régis Laspalès dans le 1er rôle et Les films qui jouent avec le feu

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le 12 janv. 2017

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VilCoyote

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