Madre (court métrage)
8.3
Madre (court métrage)

Court-métrage de Rodrigo Sorogoyen (2017)

Marta (Marta Nieto) rentre chez elle (un appartement, quelque part dans une ville espagnole), en compagnie de sa mère (Blanca Apilànez). Discussion anodine entre une mère et sa fille qui permet néanmoins d’évaluer la situation : Marta est séparée de son mari qui a emmené leur fils Ivan, 6 ans, en vacances. Ils devaient aller jusqu’en France. C’est alors que le téléphone sonne. Ivan appelle alors qu’il est sur une plage. Sa mère lui demande des précisions, mais il est incapable de dire quoi que ce soit de précis, sinon qu’il est venu avec son père et que celui-ci l’a laissé là pour aller rechercher quelque chose, mais qu’il ne revient pas. Ivan est absolument seul, sur une plage immense où il ne peut rien décrire qui permettrait de savoir où il est. Par contre, il finit par dire qu’il voit un monsieur qui s’approche.


Les premiers plans ont montré une plage déserte, on la reverra à la fin. On peut supposer que c’est l’endroit d’où Ivan appelle, mais on ne verra jamais l’enfant. Par contre on l’entend. Dans ce film, tout passe par le dialogue entre Marta et son fils et dans leurs réactions. La présence de la mère de Marta a également son importance.


Bien évidemment la tension va monter, car Ivan appelle d’un portable. La liaison est mauvaise et sa batterie ne tiendra pas longtemps. Surtout, sa mère s’inquiète de plus en plus, car elle craint de perdre le lien avec son enfant. Elle redoute aussi ce qui peut lui arriver, seul sur cette plage. Quelles sont les intentions de celui qui s’approche d’Ivan ? On l’entend dire une phrase, mais il est probable que Marta affolée n’y fait pas attention ou bien ne la comprend pas, car l’homme s’exprime en français. Une phrase qui peut aussi bien relever d’intentions bienveillantes que malveillantes.


La force du film est de montrer la montée de la tension chez Marta, par la simple conséquence de ce qu’elle entend au téléphone. Une tension palpable grâce au jeu de Marta Nieto qui porte le film. Un film qui ose jouer la carte du double-jeu. En effet, selon l’état d’esprit du spectateur, son caractère, sa vision de l’humanité et son vécu, Madre pourra être perçu comme ultra dramatique ou bien comme une simple provocation. Toutes les nuances entre ces deux visions extrêmes peuvent également se comprendre. Dans l’hypothèse la plus noire, la seule montée de l’angoisse chez Marta peut être l’élément déclencheur d’un drame dont elle serait la responsable et qu’elle pourrait regretter jusqu’à la fin de ses jours. Ajoutons que sa façon de réagir montre la force du lien de la mère avec son enfant dans des conditions extrêmes. Qui pourrait la blâmer de s’inquiéter jusqu’à verser dans l’hystérie la plus incontrôlable ? En ce sens, le scénario illustre une situation de tragédie implacable. Heureusement, un dénouement rassurant est aussi parfaitement envisageable.


Un film qui trouve toute sa force dans la suggestion, en exploitant parfaitement une situation qui ne peut que faire réagir le spectateur. Un court métrage (18 minutes), où le réalisateur (Rodrigo Sorogoyen) met en scène avec talent un scénario assez diabolique. Format court judicieux, avec un dispositif minimaliste qui suffit largement.


Récompensé par le Goya 2018 du Meilleur Court Métrage de Fiction et présenté aux Nuits en Or 2018.

Electron
8
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le 17 juin 2018

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