Pedro Almodovar a 72 ans et il me semble qu'il soit désormais devenu une sorte de notable. Non pas qu'il ne l'ait pas mérité, ça reste un réalisateur immense, de par ses films des années 80 et du début des années 90, géniaux manifestes de la Movida. Puis, en point d'orgue, le magnifique "Parle avec elle". Mais bon, son cinéma a toujours été empreint d'une certaine fureur de vivre, ce qui reste généralement un marqueur de la jeunesse. Et, alors que certains autres grands cinéastes ont signé des œuvres de maturité, voire des films testaments splendides, je n'ai pas eu l'impression qu'Almodovar, tel le bon vin, se bonifiait en vieillissant. Il faut dire qu'avoir du patrimoine et le planquer au Panama, ça vous plombe peut-être la créativité.


Quoiqu'il en soit et indépendamment de sa situation fiscale, son dernier opus est mal ficelé : un scénario acrobatique qui manque à tout moment de se péter la gueule et souvent cousu de fil blanc. Auquel il manque l'étincelle pour que le spectateur s'y laisse complétement embarquer avec pour conséquence une succession de scènes que j'ai pu trouver, pour certaines, ennuyeuses. L'excentricité de ses personnages, féminins notamment, qui était l'un des atouts de ses meilleurs productions parait ici surfaite, artificielle. Comme s'il cherchait à faire de l'Almodovar pour faire de l'Almodovar, mais sans y croire vraiment. Le kitsch des décors et des tenues en devient ordinaire et, finalement, frise souvent le mauvais goût, dans le plus pur registre citadin bobo du sud. Le branding est en outre omniprésent dans le film : on bouffe sans cesse du logo d'ordinateur personnel, de bagnole, d'appareils photos, de pompes et de sacs à main. Vous avez dit notable ?


Le seul aspect du film qui finalement réussit à remuer un peu est celui qui traite de l'exhumation des victimes du franquisme qui reposent dans des fosses communes. Mais il est malheureusement gâché par un final sirupeux à souhait et vient en outre se plaquer de façon parfaitement artificielle sur un scénario qui ne s'y prête guère, étant centré sur la maternité. Bon on pourrait toujours y voir une thématique commune autour de la maternité, de la filiation, des ancêtres et tutti quanti, mais ça ne s'emboite pas bien. A croire qu'Almodovar a ajouté ce thème à son film pour pouvoir bénéficier d'une subvention du gouvernement socialiste espagnol, pour qui c'est un cheval de bataille, parfaitement honorable au demeurant (pas de malentendu, je ne juge pas la thématique en elle-même, mais la façon dont elle est traitée dans le film).


Pour faire un peu de positif quand même, quelques plans viennent parfois rappeler au spectateur qu'Almodovar n'est pas manchot avec une caméra et qu'il a un style bien à lui. Les acteurs et actrices font plus qu'honorablement le job, ça aide à faire passer les deux heures que dure le film. Et puis j'aurais au moins appris que pour faire la tortilla, ce qui est important, c'est l'épaisseur des tranches de pomme de terre...

Marcus31
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vu au cinéma en 2021 (pas la folie)

Créée

le 14 déc. 2021

Critique lue 2.4K fois

25 j'aime

Marcus31

Écrit par

Critique lue 2.4K fois

25

D'autres avis sur Madres paralelas

Madres paralelas
Sergent_Pepper
4

L’homme qui en faisait trop

Après la petite somme que représentait Douleur et Gloire, où, pour une fois, la part belle était aussi accordée à l’homme, Almodovar revient à une formule qui fait sa patte depuis des décennies : un...

le 3 déc. 2021

40 j'aime

3

Madres paralelas
Plume231
6

Mères entre elles !

Pedro Almodovar et son goût pour les couleurs vives excellent dans les portraits de femmes. À son meilleur, il est tout à fait capable d'atteindre le niveau des Cukor, Mizoguchi et Naruse. Madres...

le 4 déc. 2021

35 j'aime

12

Madres paralelas
Cinephile-doux
7

Les couleurs de la maternité

Avant tout, il y a ce bonheur renouvelé des couleurs chaudes d'Almodovar et de sa science du montage, qui nous fait passer avec fluidité d'une temporalité à une autre, avec ellipses, ou pas. Madres...

le 23 oct. 2021

26 j'aime

3

Du même critique

Papy fait de la résistance
Marcus31
10

Ach, ce robinet me résiste...che vais le mater

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'extrême jubilation avec laquelle les acteurs semblent jouer leur rôle. Du coup, ils sont (presque) tous très bons et ils donnent véritablement...

le 2 sept. 2015

35 j'aime

5

Histoire de ta bêtise
Marcus31
10

A working class hero is something to be

Un pamphlet au vitriol contre une certaine bourgeoisie moderne, ouverte, progressiste, cultivée. Ou du moins qui se voit et s'affiche comme telle. On peut être d'accord ou non avec Bégaudeau, mais...

le 15 avr. 2019

32 j'aime

7

Madres paralelas
Marcus31
5

Qu'elle est loin, la Movida

Pedro Almodovar a 72 ans et il me semble qu'il soit désormais devenu une sorte de notable. Non pas qu'il ne l'ait pas mérité, ça reste un réalisateur immense, de par ses films des années 80 et du...

le 14 déc. 2021

25 j'aime