Maman pleut des cordes
7.7
Maman pleut des cordes

Court-métrage d'animation de Hugo De Faucompret (2021)

Un grand voyage initiatique et sensoriel en un court métrage

Le court métrage a ce côté parfois frustrant de ne pas pouvoir offrir une "vrai" expérience cinématographique. Souvent trop court pour pleinement s'attacher à des personnages, pour comprendre un contexte, développer un univers, voire carrément de créer un scénario, le court métrage a cet caractéristique d'obliger le réalisateur à se concentrer sur l'essentiel. Ce genre d'exercice permet de montrer les envies et les priorités d'un réalisateur. Que ce soit envoyer un message, faire vivre une expérience sensoriel, montrer qu'on sait bien animer, ou tout simplement montrer qu'on existe en se cachant derrière le format court métrage pour justifier notre manque d'inspiration et notre manque de maitrise technique, le court métrage ne pardonne rien, et il est d'autant plus satisfaisant lorsqu'un réalisateur arrive à faire un coup d'éclat. C'est le cas de Hugo De Faucompret avec son court métrage Maman pleut des cordes.

C'est tout bonnement magnifique. L'animation 2D a la propreté nécessaire pour démontrer son élégance et sa maitrise technique, pourtant le film cherche délibérément à avoir des personnages aux contours incertains et un aspect brouillon/dessin d'enfant qui marche et qui n'est pas déplaisant. Le tout marqué par des influences tout droit sorti du cinéma japonais. On peut presque comparé ce court métrage à un film comme Souvenirs de Marnie d'Hiromasa Yonebayashi dans sa volonté de représenté les vacances et le séjour à la campagne comme un voyage initiatique et sensoriel. Dès que l'on quitte la ville et le quotidien de la jeune fille, on cherche perpétuellement à s'éloigner des standard de beauté et de normalité avec par exemple un ogre dont le visage peut presque se résumer à des formes juxtaposées derrière une grosse écharpe et une voix rauque très étrange, ou même une grand mère qui a presque une tête de grenouille. On veut nous faire voyager et retranscrire l'espièglerie d'une jeune fille qui persiste malgré un quotidien difficile et un début de passage à l'adolescence, et c'est vraiment beau. Le réalisateur arrive à capter les petits moments qui font les grandes histoire. Rien que le caractère et les mimiques du personnage principale sont finement trouvé avec notamment un jeu vis-à-vis de ses cheveux ou de ses vêtements toujours en désordre qui font qu'on croit en ce personnage et qu'on a envi de la suivre tant elle semble réelle et proche de nous alors qu'elle n'a que 8 ans et demi. Son quotidien difficile a fait qu'elle est confronté trop tôt à des problèmes comme la fracture d'un couple ou encore la vie de sa mère qui décline, et tout cela est retranscrit à travers sa manière un peu désabusé qu'elle a de se confronter au monde. Son voyage chez sa grand mère a pour but de la reconnecter avec son innocence et lui réapprendre à rêver, et c'est fait avec une délicatesse folle. Ma seul réserve sur la réalisation du film serait vis-à-vis du doublage où, si tout le monde s'en tire extrêmement bien (Siam Georget Rolland et Yolande Moreau en tête), Arthur H peut surprendre et peut avoir des moments où son jeu sonne faux. je comprend totalement le choix de casting car la voix grave et étrange d'Arthur H apporte une texture et une beauté au personnage du géant qui est bienvenue, mais son jeu m'a fait sortir du film par moment. Mais cela ne servirait à rien sans un vrai scénario.

C'est très rare de voir un court métrage parler d'autant de choses et de développer un vrai univers en seulement 20 minutes. On arrive, avec des choix de découpage et de montage assez malin, à avoir des moments de pure pause vraiment poétique et dure comme la scène de la salle de bain, tout en développant un vrai scénario et une vrai histoire. Évidemment on pourra se plaindre que certains éléments sont parfois expéditifs comme la présence de deux gamins qu'on ne saura trop introduire autrement que par le fait qu'ils existent et que c'est déjà pas mal, ou même que la résolution de fin soit un peu rapide, mais tout est très vite compensé par l'expérience même du court métrage qui comble tout regret et par la richesse du récit. Tout le film suit une suite d'action simple comme prendre un bain, rencontrer tel personnage, s'installer, se balader, jouer dans la neige, etc. En choisissant cet approche, on évite de créer un lien trop fort entre les scènes qui ferrait attendre quelque chose car créant une continuité qui tend à aller vers un objectif qui capterait trop notre attention, et qui détournerait notre attention sur l'expérience quasi contemplative du court métrage. L'inconvénient avec cet approche est qu'au lieu d'attendre un objectif précis qui guide le visionnage, on attend une raison d'être et de continuer le visionnage. Cependant l'univers étant tellement riche et les histoires tellement complexe derrière une simplicité d'apparence (allant parfois dans un propos mature et très sombre pour un public mature qui saura voir une lecture extrêmement dure et pas simple qu'on voit que trop peu souvent) que le court métrage se suit sans trop réfléchir à ce qui va se passer ensuite. On est lâché en pleine nature à la manière de la jeune fille qui, elle aussi, est lâché en pleine nature chez sa grand mère, et on aimera explorer et se perdre dans ce monde fantastique proche de la nature qui nous déconnecte de toute obligation extérieur et nous retient concentré autour de l'histoire de cette jeune fille qui est extrêmement bien écrite et qui tient à elle seul tout le court métrage. C'est un moment suspendu dans le temps que je vous invite à voir au cinéma s'il y a encore des programmations de prévu et/ou que vous avez l'occasion de revoir lors de séances pour jeune public, courrez le voir, c'est une petite pépite d'animation plein de poésie qui réserve énormément de surprise de la part de son réalisateur dont on attend avec grande impatience son prochain travail (qui sait, peu être un premier long métrage).


16/20


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Youdidi
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le 1 janv. 2022

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