Fallait-il un préquel aux Soprano ? Peut-être pas. Mais puisque David Chase en a co-écrit le scénario, il y avait sans doute quelque chose à en tirer. Cela dit, pour celles et ceux qui voudront voir le film sans avoir vu la série, je ne suis pas sûr que vous y trouviez un grand intérêt... Ce film est un film de fan, comme tous les préquels.


Faut-il encore écrire à quel point cette série est sûrement l'une des meilleures jamais réalisées ? Elle a changé l'écriture des séries, a fait émerger le câble, notamment HBO, et réussi l'exercice de style d'une double narration : celle d'un capo dans la mafia, qui est aussi un mari et père de famille, les deux champs ayant la même perspective et la même place. A l'époque, début des années 2000, peu de séries tirent leur épingle du jeu : Oz et son narrateur handicapé, The Wire qui s'attarde sur les détails et adopte un tempo lent, et Six feet under, qui est également une grande saga familiale ; mais surtout ces séries développent un genre, celui du portrait psychologique. La saga des Soprano débarque donc à la même époque avec un générique, une vision de l'Amérique assez glauque, et surtout un acteur principal dans le rôle de Tony Soprano : James Gandolfini. Cette série aura-t-elle eu le même pouvoir d'attraction sans cet acteur ? Franchement, il y a peu de chance. Le regard tombant de Gandolfini, sa profondeur, sa carrure, son magnétisme, tout le rend indissociable à jamais du costume de Tony, ou l'inverse, on ne sait plus. Pourtant James Gandolfini a eu une filmographie conséquente et pas des moindres, mais les Soprano efface tous ses autres rôles. Alors voir un préquel sur Tony Soprano sans James Gandolfini ?...


Tout d'abord le film démarre dans un cimetière avec une fois off, celle du turbulent Christopher, tué par son oncle Tony dans la dernière saison de la série. Franchement, je ne vois pas l'intérêt de cette intro... Ensuite le film prend une autre focale, celle qui suit non pas un Anthony en devenir, mais suit les pas de Dickie Moltisanti( Alessandro Nivola), l'oncle de Christopher. Là aussi, pourquoi ce choix ? Dans la série les souvenirs du passé sont surtout attachés au père de Tony, Johnny Soprano (Jon Bernthal). Cela aurait permis de peut-être mieux explorer les failles de sa mère Livia, dont le préquel affirme qu'elle était déjà en train de devenir folle quand Tony était enfant. La sœur de Tony, Janice, dont la personnalité future ne sera pas très éloignée de celle de sa mère, aurait pu être un angle également très intéressant. Le choix de raconter la naissance de Tony Soprano sous cet angle est donc un parti pris qui ne sert finalement à mettre en exergue que la folie de Junior, folie qui contaminera plus tard la vie de Tony.


Tout ça se déroule dans une atmosphère de fin de règne de la mafia italienne, de l'éclosion des gangs de rues, de racisme et de lutte pour les droits civiques (thème qui revient parfois dans la série). On pourrait en rester là, mais le film pivote dans sa moitié pour passer de l'enfance de Tony à son adolescence, et là, le regard du jeune acteur vous saisi aussitôt ; damned, mais c'est qui, c'est quoi ? Un montage numérique de type deepfake ? Parce que la ressemblance est plus que troublante ! Je n'avais pas jeté un oeil au casting, sinon j'aurais vu que Michael Gandolfini jouait le rôle de son père ! Michael Gandolfini est né en 1999, c'est à dire en même temps que la série. C'est aussi lui qui a découvert son père inconscient à Rome, victime d'un infarctus de myocarde qui lui sera fatal. Et là, j'avoue que ce choix de casting aide à suivre le film. Le fils incarne le père en devenir avec talent. J'imagine que la pression a du être énorme pour lui, mais bravo.


Donc en résumé, si vous n'avez pas vu la série, ce n'est pas un film indispensable, mais si comme moi vous faites partie de ceux qui placent The Soprano au panthéon des séries, alors oui, vous y découvrirez nombre de réponses à certaines questions de la série ; mais autant prévenir tout de suite, rien sur sa fin énigmatique, et qui donc le restera. Et c'est tant mieux !

Kerven
7
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le 17 nov. 2021

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