Ca a vraiment failli me plaire pendant les 30 premières minutes, j'y ai cru à cette petite chose nommée Matilda.


Quel adulte, devant son écran, ne s'est pas senti saisi par la sensation narcissique de se voir un peu dans ce petit monstre d'enfance. Matilda c'est un peu moi, c'est un peu vous, c'est un peu votre ado boutonneux qui refuse de ranger ses baskets qui puent ou votre délicieux chérubin potelé agitant son hochet et empestant sa couche.


Matilda c'est un peu chacun de nous. La détester c'est presque fondamentalement impossible. On s'est tous senti étranger, différent, clairvoyant à travers le cristallin tout neuf de nos yeux anté-pubère. On s'est tous senti trop grand et trop parfait dans un monde trop petit et trop médiocre.


On s'est tous senti sur-puissant face aux adultes qui semblaient alors, à nos yeux, de vains pantins qui n'avaient pas comme nous les clefs qui ouvrent tous les mystères du monde. On à tous été un petit monstre qui avait réponse à tout et qui ignorait hardiment le concept du doute.


Alors oui, la première demi-heure fut un petit plaisir pour l'amateur (amatrice c'est décidément trop moche) de conte amère que je suis.


De Vito, prêtant ses traits à M. Verdebois, est outrancier et délectable dans son rôle de vendeur de voitures peu scrupuleux. Rea Pearlman est assez convaincante en bimbo sur le retour. Les décors, les costumes et le ton général sont délicieursement kitsch. Le placement de la caméra à hauteur d'enfant apporte la subjectivité nécessaire et scénarise la médiocrité que l'enfant sent face au monde du haut de sa toute puissance intérieure.


Mais la catastrophe, qu'on sent imminente, arrive. On sombre dans l'outrancier mal géré, l'élégant ton de fable se dilue. L'école tant désirée par le petit monstre de perfection est grotesque. La Directrice semble sortie de la série "Sauvé par le gong" et l'institutrice mielleuse jusqu'à la nausée est mal servie par une actrice qui ne donne aucun relief à un personnage déjà bien lisse.


Le tout s'enlise dans une réalisation digne d'un mauvais téléfilm de l'après midi sur M6. Les dialogues deviennent mous et prévisibles. On s'ennuie doucement. La fin vient entériner le décrochage.


Le final ? Les méchants quittent l'échiquier : départ miraculeux de la directrice et de la famille Verdebois qui fuit le FBI, l'institutrice retrouve sa poupée et enfin Matilda, en petit despote, se fait adopter par l'instit et continue à faire tournoyer le monde au bout de son doigt. Scène de clôture : Matilda s'endort après avoir joué avec sa nouvelle "maman-copine" (comme avec une poupée) au terme d'un montage vidéo inspiré des plus mauvais téléfilms Disney...


L'enfant roi est né. Dolto l'a théorisé, Roald Dahl l'a romancé. Ainsi conforté dans l'apologie du "je" des générations entières de petits lecteurs s'endorment en bavant sur les pages de ses livres, convaincus qu'il suffit de bien punir les méchants pour qu'il disparaissent comme par enchantement. Et que le bonheur ne peut résulter que d'un rapport de force ou l'on fait plier l'obstacle (humain ou matériel) sans considérer un seul instant que l'option de la "contradiction" est un meilleur terreau face à la complexité du monde.


Les despotes naissent comme les anges : le "je" précédant le "nous", "l'agir" avant le "comprendre", la "certitude" avant le "doute"... Ce qui manque aux livres de Roald Dahl est d'oublier (volontairement) que l'enfance, comme tous les autres âges de la vie, est lesté du sentiment d'injustice dont le captif ne rêve que d'une chose : fuir... Comment ? En vivant, en bougeant en avançant, en grandissant ou en vieillissant, puis, étape ultime, en mourant. La vie la vraie, c'est ce mouvement qui manque à cet auteur de la fixité.


Mon avis (puisque vous lisez le mien et que je n'en ai pas d'autre à donner dans mon implacable honnêteté) : lisez les livres de Roald Dahl si vous le voulez, voyez les films qui en sont adaptés, mais gardez à l'esprit que la vie, la vraie, c'est un travail de bâtisseur où personne n'est le juge d'autrui. Et que le contrôle et la vengeance sont de vains abreuvoirs qui n'étanchent aucune soif.


Alors doutez, hésitez, ne soyez sûr de rien et si vos parents et le monde vous semblent petits, étriqués, horribles, médiocres ou violents : plaigniez-les, écoutez-les puis confrontez-vous à eux et au réel. Mais ne fuyez jamais sans avoir donner à l'autre son droit de réponse salutaire.


Puis, surtout, envolez-vous. La vie est belle... ou presque !

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le 9 mai 2016

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